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Rapport de la commission d'examen

7.0 Questions ne relevant pas du mandat de la commission

Le mandat de la Commission énonce expressément qu'il ne porte pas sur les questions suivantes : politiques énergétiques du Canada et des provinces; rôle de l'énergie nucléaire dans ces politiques (y compris la construction, l'exploitation et la sûreté des centrales nucléaires nouvelles ou actuelles); retraitement du combustible comme politique énergétique et applications militaires de la technologie nucléaire. Toutefois, ces points étaient fort importants aux yeux de certains participants qui croyaient que toutes ou plusieurs de ces mêmes questions influaient largement sur l'acceptation du public de tout mode de gestion de déchets. Pour ces personnes, un tel cloisonnement du cycle du combustible nucléaire créait de sérieuses difficultés pour l'examen. À leur avis, on restreignait le champ de cet examen, et il était impossible de déterminer les futures mesures à prendre dans le domaine de la gestion des déchets tant que ces questions n'auraient pas fait l'objet d'un débat public.

7.1 Politique énérgétique générale

Un certain nombre de participants voulaient que le gouvernement fédéral lance un débat public sur la politique énergétique avant que la Commission ne présente ses recommandations au sujet du concept de stockage d'EACL. D'autres jugeaient impossible de définir la portée du problème des déchets de combustible nucléaire au Canada parce qu'il n'existait pas de politique claire concernant l'avenir de l'énergie nucléaire. D'autres encore proposaient de décréter un moratoire ou des mesures d'élimination progressive relativement à cette énergie au Canada, ainsi que de tenir un examen public des politiques énergétiques fédérales et provinciales et du rôle qu'y joue l'énergie nucléaire. Dans cet examen, on s'attacherait à la gestion de l'offre et de la demande d'énergie et dresserait un bilan complet des coûts de toutes les options énergétiques. De l'avis de ces participants, un tel exercice livrerait au public des renseignements pondérés et impartiaux sur les possibilités qui s'offrent en matière énergétique.

À l'annonce de la création de la Commission, les ministres se sont engagés au nom du gouvernement à mener un examen parallèle dans une autre tribune où la question des déchets de combustible nucléaire serait placée dans un contexte plus général. Un groupe de travail sur l'électricité et l'environnement devait étudier les effets sur l'environnement de l'énergie nucléaire et des autres modes de production d'électricité. Malgré les rappels écrits répétés du président de la Commission, les ministres n'ont pas tenu cet examen parallèle. Selon un représentant de Ressources naturelles Canada aux audiences, certains intervenants avaient critiqué l'examen envisagé comme représentant une intrusion du fédéral dans un secteur de compétences provinciales et avaient déploré son inopportunité, puisque de nombreuses provinces et compagnies d'électricité avaient déjà lancé leur propre examen. Les ministres de l'Environnement et des Ressources naturelles envisageaient toujours, disait-on, l'utilité d'un examen qui s'ajoutait à beaucoup d'autres [Peter Brown, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 11 mars 1996, p. 38-39.].

Malgré l'absence de cet examen et d'un énoncé officiel de politique, le gouvernement fédéral a nettement manifesté son appui à l'énergie nucléaire. En 1988, le Comité permanent de l'environnement et des forêts de la Chambre des communes recommandait de décréter un moratoire sur la construction de centrales nucléaires jusqu'à ce que les Canadiens se soient entendus sur une solution acceptable d'évacuation des déchets hautement radioactifs [Comité permanent de l'environnement et des forêts, B. Brisco, président, Les déchets hautement radioactifs au Canada : La onzième heure a sonné, p. 37.]. Les autorités ont répondu qu'elles n'étaient pas prêtes à imposer un tel moratoire.

Au Canada, les provinces ont compétence en matière de production d'électricité; c'est donc à elles de prendre les décisions quant aux sources les plus appropriées. Le gouvernement du Canada est d'avis que l'énergie nucléaire est un atout précieux dans notre éventail d'approvisionnements énergétiques et que les provinces devraient continuer d'avoir la possibilité d'y recourir. À défaut d'énergie nucléaire, il faudrait opter pour d'autres sources qui pourraient être moins attrayantes tant des points de vue économique et environnemental que du point de vue des déchets produits. . . . Si l'on invoque l'acceptation publique des méthodes de gestion à long terme ou le besoin de trouver des méthodes éprouvées n'ayant qu'une incidence minimale à longue échéance pour décréter un moratoire, il faudrait alors mettre un terme à la plupart des activités qui produisent des déchets au pays.

Gouvernement du Canada [Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement du Canada au rapport du Comité permanent de l'environnement et des forêts intitulé "Les déchets hautement radioactifs au Canada : La onzième heure a sonné" (Ottawa : Énergie, Mines et Ressources Canada, juin 1988), p. 17.]

Au début des audiences, un représentant de Ressources naturelles Canada a confirmé que le gouvernement fédéral continuait à appuyer l'énergie nucléaire et les réacteurs CANDU [Peter Brown, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 11 mars 1996, p. 39.].

7.2 Sources d'énergies renouvelables

Tout au long de l'examen, on a exposé deux points de vue divergents sur les coûts et les avantages d'énergies renouvelables de remplacement à l'énergie nucléaire.

Plusieurs participants ont contesté que l'énergie nucléaire soit une énergie abordable et respectueuse de l'environnement pour les Canadiens en général et les Ontariens en particulier. De ce point de vue, les tarifs pratiqués pour l'électricité d'origine nucléaire ne tenaient pas entièrement compte des généreuses subventions que versent les gouvernements à l'industrie nucléaire, du coût de réparation et de déclassement des réacteurs ni des frais d'évacuation des déchets de combustible nucléaire. Ils pensaient qu'il y avait trop de coûts cachés dans cette industrie et que son maintien épuiserait les ressources restreintes de la société. Ils recommandaient de remplacer progressivement l'énergie nucléaire par diverses énergies renouvelables (énergie éolienne et solaire, hydroélectricité à petite échelle). Pour eux, si l'on dépensait davantage en recherche et développement, on permettrait à ces technologies de concurrencer économiquement l'énergie nucléaire. Ils faisaient valoir que les conquêtes technologiques récentes avaient relevé les capacités de production et abaissé les prix de revient dans le secteur des énergies renouvelables parallèles.

Les défenseurs de l'énergie nucléaire convenaient que les énergies renouvelables allaient contribuer à la satisfaction des besoins énergétiques futurs, mais ils soutenaient aussi que, même si l'on exploitait ces sources au maximum, elles resteraient seulement un complément et ne remplaceraient pas l'énergie nucléaire ni les sources d'énergie à combustibles fossiles. Ils ont signalé les difficultés du calcul des coûts et des avantages des énergies parallèles : les régimes fédéraux et provinciaux des impôts et des subventions changent toujours et les tarifs et les coûts de production d'électricité varient selon la disposition géographique des installations. Les défenseurs du nucléaire avaient pour argument que cette énergie procure un avantage net important à la société sur le plan des revenus, de l'emploi, des industries secondaires et de l'environnement. La Société nucléaire canadienne a estimé à quelque 200 milliards de dollars l'avantage économique qu'apporte un seul réacteur à l'Ontario pendant toute sa durée de vie [Jerry Cuttler, dans une lettre destinée à Blair Seaborn (Toronto, Société nucléaire canadienne, 10 mars 1997, engagement 108), p. 1.]. D'après cette société, les compagnies d'électricité seront en mesure d'acquitter les frais de déclassement des réacteurs et d'évacuation des déchets de combustible nucléaire grâce aux tarifs supplémentaires sur l'électricité qu'ils perçoivent à cette fin. Ainsi, Ontario Hydro demande 0,1 cent environ par kilowattheure pour l'évacuation du combustible usé [Ken Nash, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 11 mars 1996, p. 45.] et 0,1 cent pour le déclassement des réacteurs et l'évacuation de déchets faiblement et moyennement radioactifs [Ian Wilson, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 27 mars 1997, p. 103.]. Les défenseurs du nucléaire pensaient que cette énergie assure un développement durable puisqu'elle ne concourt pas au réchauffement du globe et ne dégage pas non plus de matières chimiques ni radioactives toxiques.

7.3 Importation de déchets et de combustible MOX

Un certain nombre de participants ont affirmé qu'il était impossible de bien évaluer le concept de stockage d'EACL et la stratégie de gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire tant que les questions d'importation de déchets et de combustible MOX à brûler dans des réacteurs CANDU n'auront pas fait l'objet d'un débat public. Ils croyaient fermement que ces activités d'importation feraient du Canada le «dépotoir nucléaire du monde» et que notre pays devrait se doter d'une stratégie de traitement de ses propres déchets avant de songer à accepter les déchets d'autres pays en vue de leur élimination.

7.3.1 Déchets de l'étranger

De nombreux participants soupçonnaient que le gouvernement fédéral projette d'accepter du combustible usé de l'étranger en vue de son élimination en territoire canadien à titre commercial. À preuve, disaient-ils, l'installation de stockage permanent de référence d'EACL était conçue pour recevoir 10 millions de grappes de combustible usé, bien que les réacteurs en place au Canada ne puissent en produire que 3,6 millions pendant leur durée de vie et qu'on ne prévoie nullement les remettre à neuf ni en construire de nouveaux. Ils ont également relevé les déclarations de représentants d'EACL aux médias relativement à la possibilité d'intégrer aux ventes de centrales des services de gestion des déchets (pour procurer à l'industrie canadienne un avantage unique sur le marché de l'exportation), tout comme d'importer du combustible usé de pays qui achètent l'uranium canadien [Anne Lindsey, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 29 avril 1996, p. 41.]. À leur avis, le gouvernement fédéral pouvait gagner beaucoup d'argent en important des déchets, et ce, au détriment du public et de l'environnement de notre pays.

Un représentant de Ressources naturelles Canada a déclaré pour sa part que le Canada n'a pas pour politique d'importer des déchets de combustible nucléaire en vue de leur stockage permanent au Canada et que, si jamais des mesures devaient être adoptées en ce sens, la politique en question serait assujettie, au dire des ministres, à toutes les exigences écologiques et réglementaires et notamment aux règles des examens publics [Peter Brown, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 12 mars 1996, p. 9.]. Qui plus est, ni l'ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) ni l'Organisation mondiale du commerce n'obligent le Canada à importer des déchets. Les participants préoccupés par cette question n'ont pas été rassurés par ces déclarations, sachant que les politiques peuvent facilement changer.

7.3.2 Combustible MOX (à mélange d'oxydes)

Dans un accord de principe canado-américain, on envisage l'importation et la combustion du combustible MOX dans les réacteurs CANDU et l'élimination subséquente du combustible usé au Canada. Certains participants craignaient que le MOX n'ait une influence importante sur la conception du dépôt de déchets d'EACL et le comportement des barrières. Comme les grappes de combustible MOX usé contiendraient plus de plutonium, plusieurs s'inquiétaient particulièrement des risques de criticité (réaction en chaîne auto-entretenue de fission nucléaire) dans l'installation. Ajoutons que la proposition exige que le combustible MOX usé soit irrécupérable de manière à prévenir toute réutilisation de sa teneur résiduelle en plutonium. Ainsi, certains s'inquiétaient de ce que les générations futures soient incapables de récupérer le combustible classique stocké avec le combustible MOX en vue de son recyclage, par exemple. Cette proposition a avivé les appréhensions des participants au sujet de l'importation de déchets. À l'extrême, on voyait dans cette initiative un stratagème pour l'évacuation au Canada de l'inventaire de plutonium des armes nucléaires excédentaires au monde entier.

Si l'on devait donner suite à la proposition relative au combustible MOX, il faudrait, selon les calculs sommaires de la Commission, de 190 000 à 290 000 grappes de combustible MOX pour recevoir 100 tonnes de plutonium provenant des armes nucléaires excédentaires. Ce combustible représenterait donc 5 à 8 % des 3,6 millions de grappes de combustible usé à stocker en permanence si aucun nouveau réacteur ne devait être construit.

D'après une étude de faisabilité réalisée en 1994 par AECL Technologies Incorporated (division américaine d'EACL) pour le Département de l'Énergie des États-Unis et à laquelle Ontario Hydro a participé, «on n'aura besoin d'aucune nouvelle technologie pour le stockage provisoire, le transport ou l'évacuation définitive de combustible MOX usé des réacteurs CANDU par rapport aux moyens technologiques que demande le combustible à uranium naturel CANDU usé» et «il n'y a pas de question nouvelle ou importante sur le plan de l'environnement, de la sûreté et de la santé» [AECL Technologies Incorporated, Plutonium Consumption Program, CANDU Reactor Project (Rockville, Maryland, rapport définitif destiné au Département de l'Énergie des États-Unis, 31 juillet 1994, engagement 67), p. 6-8.]. Toutefois, les représentants d'EACL qui ont pris part à l'examen de la Commission ont dit que l'évacuation de combustible MOX et ses effets sur le concept de stockage n'avaient pas été examinés en détail et qu'un complément d'étude s'imposait. Comme la combustion massique (quantité d'énergie produite par unité de masse de combustible) et la puissance thermique du combustible MOX seraient supérieures à celles du combustible classique, le premier exigerait un plus long refroidissement en stockage permanent ou plus de place dans le dépôt. Le surcroît d'espace serait compensé par une quantité moindre de déchets par unité d'électricité produite [Énergie atomique du Canada limitée, Étude d'impact sur l'environnement, p. 39.]. Il faut cependant préciser que la température pourrait être plus élevée à la surface des conteneurs, ce qui pourrait influer sur le rendement du tampon et du remblai. Si elle convient qu'elle devrait étudier les risques de criticité dans l'installation, EACL juge ce phénomène très improbable [Ken Dormuth, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 13 janvier 1997, p. 245.].

Une représentante de Ressources naturelles Canada aux audiences a signalé que le projet de combustible MOX CANDU en est au stade de l'étude de faisabilité et devra recevoir l'approbation des autorités fédérales. À son avis, il serait assujetti aux approbations d'évaluation et de délivrance de permis des organismes de réglementation fédéraux et provinciaux. Il y aurait notamment un examen public en bonne et due forme comme le prévoient la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale [Géraldine Underdown, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 12 juin 1996, p. 160-169.]. Plus récemment, les ministres de l'Environnement et des Ressources naturelles promettaient la tenue d'un examen environnemental complet avec «étude publique par une commission indépendante» avant que les décisions définitives ne soient prises [Anne Dawson, "‘Hot' Idea from Marchi,"p. 26, et Glen Schaefer, "Public Study Promised on Taking U.S. Plutonium," p. A6.].

7.4 Retraitement et recyclage de déchets de combustible nucléaire

Il est plus amplement question de certaines parties de ce dossier à l'annexe L.

Comme le concept de stockage permanent d'EACL vise soit les déchets solidifiés de haute activité issus du retraitement soit les grappes de combustible CANDU usé, certains participants se sont demandé si le concept englobait une installation de retraitement et si l'on prévoyait accepter en retraitement des déchets de l'étranger. Un certain nombre de participants préconisaient un retraitement et un recyclage des déchets de combustible nucléaire, parce qu'on peut ainsi extraire l'énergie inexploitée, réduire les quantités et les risques des déchets ou détruire le plutonium. Pour d'autres, le retraitement présentait un certain nombre de sérieux inconvénients au point de vue économie, environnement et sûreté. Le retraitement du combustible usé produirait des déchets faiblement et moyennement radioactifs, tout comme des déchets de haute activité exigeant un stockage permanent séparé. On introduirait également plusieurs inconnues : ne sachant pas où se situeraient les installations de retraitement et de fabrication et les installations annexes de déchets, et quels en seraient les effets.

EACL a expliqué que, lorsqu'elle a entrepris d'élaborer son concept, le retraitement appartenait alors plus nettement qu'aujourd'hui au domaine des possibilités. Bien que le concept tienne compte des déchets de retraitement solidifiés, EACL n'a pas envisagé de système de retraitement général dans son concept. Les représentants de Ressources naturelles Canada ont déclaré qu'il n'existait actuellement aucun plan de retraitement des déchets de combustible usé au Canada [P.A. Brown et R.W. Morrison, "Radioactive waste management policy in Canada," Waste Management '92, Working Towards a Cleaner Environment, Proceedings of the Symposium on Waste Management, Volume 1 (Tucson, Arizona, 1992), p. 145-148, document cité dans Énergie atomique du Canada limitée, Étude d'impact sur l'environnement, p. 36.]. D'après les représentants de l'industrie nucléaire, le cycle de combustible à passage unique est actuellement plus économique qu'un cycle où entrent le retraitement et le recyclage.

7.5 Autres observations

La Commission croit que, sans la confiance du public, toute initiative de gestion à long terme de déchets de combustible nucléaire se heurtera à des difficultés. Si l'on ne s'occupe pas des questions de préoccupation publique abordées dans ce chapitre, celles-ci viendront encore hanter un organisme de gestion des déchets de combustible nucléaire, quel que soit le mode de gestion qu'il adopte.

Concept de gestion et des stockage des déchets de combustible nucléaire
Commission d'évaluation environnementale

  • M. Blair Seaborn, Président
  • M. Denis Brown
  • Mme Mary Jamieson
  • M. Louis LaPierre
  • M. Dougal McCreath
  • Mme Louise Roy
  • M. Pieter Van Vliet
  • Mme Lois Wilson