Sélection de la langue

Information archivée

L'information dont il est indiqué qu'elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n'est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n'a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Rapport de la commission d'examen

3.0 Concept d'EACL : Description, analyses de rendement et conséquences

3.1 Exigences et objectifs

Pour orienter l'élaboration du concept de stockage permanent, EACL a fixé quatre exigences générales [Énergie atomique du Canada limitée, Étude d'impact sur l'environnement, pp. 75-84.] :

  • La santé humaine et le milieu naturel doivent être protégés;
  • Il faut réduire au minimum le fardeau à imposer aux générations futures, tout en tenant compte des facteurs sociaux et économiques;
  • Le public doit avoir la possibilité de participer de façon importante à toutes les étapes de la mise en œuvre du concept;
  • Le concept de stockage permanent doit convenir au Canada, c'est-à-dire qu'il doit être compatible avec les caractéristiques géographiques et les facteurs économiques du pays.

EACL a également fixé un certain nombre d'objectifs techniques relativement à la réalisation du concept [Énergie atomique du Canada limitée, Étude d'impact sur l'environnement, pp. 84-89.] :

  • Il s'agit de mettre au point et de démontrer la technique de sélection d'un site, de construction, d'exploitation, de déclassement et de fermeture d'une installation de stockage permanent dans la roche plutonique. La technique de mise en œuvre :
    • ne devrait pas reposer sur des contrôles institutionnels à long terme en tant qu'élément de sûreté nécessaire, c'est-à-dire qu'une installation de stockage permanent devrait être passivement sûre après sa fermeture;
    • devrait être disponible actuellement ou facilement réalisable;
    • devrait pouvoir s'adapter à une grande diversité de conditions physiques et d'exigences sociales, ainsi qu'à des modifications qui pourraient être apportées aux critères, aux lignes directrices et aux normes;
    • devrait comprendre la possibilité d'exercer une surveillance;
    • devrait comprendre la possibilité de récupérer les déchets, mais la prévision de la récupération ne devrait pas compromettre la sûreté passive.
  • Il s'agit aussi de mettre au point et de démontrer une méthode d'évaluation de la sûreté d'un système de stockage permanent en fonction des critères, des lignes directrices et des normes en place.
  • Il s'agit enfin de déterminer s'il existe au Canada des sites qui conviendraient techniquement à l'implantation d'une installation de stockage permanent.

EACL a tiré ces exigences et ces objectifs de diverses initiatives menées depuis le milieu des années soixante-dix par des organismes internationaux, les gouvernements canadien et ontarien et la CCEA, ainsi que par elle-même. 

3.2 Aperçu du concept

EACL a proposé un système de confinement à barrières multiples pour l'évacuation des déchets de combustible nucléaire dans les formations plutoniques profondes du Bouclier canadien. Chacune des barrières artificielles ou naturelles peut retenir divers éléments des déchets pour des durées variables. Ensemble, ces obstacles combinés empêcheraient pendant des milliers à des centaines de milliers d'années que les contaminants radioactifs et chimiques ne gagnent la surface de la terre, ce qui laisserait assez de temps pour qu'une forte décroissance radioactive puisse s'opérer.

Des possibilités se présentent pour chacune des barrières techniques et des autres éléments de conception. Le choix définitif devrait se faire selon des critères particuliers à un site et d'autres exigences (quantité de combustible usé) après le choix d'un lieu de stockage permanent. En règle générale, voici les barrières et les éléments en cause et les possibilités qui s'offrent dans les divers cas.

  • Forme des déchets : Les déchets seraient soit des grappes de combustible usé provenant de réacteurs CANDU, soit des déchets solidifiés de haute activité issus du retraitement éventuel de ce même combustible. Dans l'un ou l'autre cas, la forme des déchets servirait elle-même de barrière en raison de sa faible solubilité dans les conditions d'eaux souterraines prévues.
  • Conteneur : Les déchets seraient placés dans un conteneur conçu pour les isoler des eaux souterraines pendant au moins 500 ans et même pendant plus d'un million d'années selon le matériau et la conception retenus. Plusieurs possibilités sont examinées dans l'EIE et un des rapports de référence principaux, D-Barrières.
  • Tampon : Les conteneurs seraient entourés d'un matériau tampon (ou retardateur), vraisemblablement à base d'argile qui restreindrait le mouvement des eaux souterraines, la corrosion des conteneurs, la détérioration mécanique et la dissolution et le déplacement des contaminants. Les conteneurs et le tampon seraient placés soit dans des chambres souterraines, soit dans des trous forés dans le sol de ces cavités. Un réseau horizontal de chambres et de galeries sur un ou plusieurs étages constituerait l'installation (ou enceinte) de stockage. Pour plus de détails sur la conception de l'installation, on consultera l'EIE et un des rapports de référence principaux, D-Installation.
  • Remblai et autres systèmes de scellement : Les chambres, galeries, puits et trous de forage d'exploration seraient comblés par un remblai à base d'argile ou de ciment et d'autres éléments de scellement propres à retarder le transport des contaminants hors de l'installation. Les systèmes de scellement de l'installation font l'objet d'une description plus complète dans l'EIE et le document D-Barrières.
  • Géosphère : L'installation serait excavée à une profondeur nominale de 500 à 1 000 mètres dans les formations plutoniques du Bouclier canadien. Ainsi, on protégerait le dépôt contre les perturbations naturelles ou humaines, on entretiendrait des conditions propices à l'isolement des déchets et on retarderait la libération des contaminants vers la surface.

Le système d'EACL est conçu pour être passivement sûr après la fermeture de l'installation, donc sans qu'il soit nécessaire de prévoir une surveillance et un entretien permanents, comme le stipulent les textes de réglementation R-71 et R-90 de la CCEA [Commission de contrôle de l'énergie atomique, Déclaration de principe en matière de réglementation, Évacuation en profondeur des déchets nucléaires : historique et exigences réglementaires concernant le stade de l'évaluation du concept (texte de réglementation R-71 de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, 29 janvier 1985), p. 11; Déclaration de principe en matière de réglementation, Déclassement des installations nucléaires (texte de réglementation R-90 de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, 22 août 1988), p. 4. Bien que les générations futures puissent s'occuper à long terme de l'installation, celle-ci resterait sans danger même si ces générations se montraient incapables ou peu désireuses d'agir ainsi.

Une installation conforme au concept, coûterait, selon les estimations d'EACL, de 8,7 milliards de dollars (dollars de 1991) pour 5 millions de grappes de combustible à 13,3 milliards de dollars pour 10 millions de grappes. Nous excluons ici les frais de financement, les impôts et taxes, les activités peu fréquentes (récupération des déchets, par exemple), les frais de transport et le coût de périodes de surveillance prolongée. 

3.3 Étapes de mise en oeuvre

Globalement, la mise en œuvre du concept se fait en deux étapes, celles de la préfermeture et de la postfermeture.

La période de préfermeture devrait durer une centaine d'années. EACL prévoit les stades suivants de préfermeture (voir la figure 4) avec peut-être une surveillance prolongée avant ou après le déclassement :

  • sélection d'un site (au moins 20 ans);
  • construction (5 ans);
  • exploitation (de 20 à 80 ans et plus);
  • déclassement (10 ans);
  • fermeture (au moins 2 ans).

La participation du public serait permanente et reposerait sur les principes de la sûreté, de la protection de l'environnement, du volontariat, de la concertation (décisions communes), de la transparence et de l'équité. Au chapitre 5 de l'EIE, dans le document D-Sélection (un des rapports de référence principaux) et au chapitre 6 du présent rapport, il est plus amplement question de la participation du public.

Avant d'entreprendre chaque étape postérieure à la sélection d'un site en période de préfermeture, l'organisme de mise en œuvre devrait obtenir un permis de la CCEA ainsi que les autres autorisations nécessaires. On n'a pas encore trouvé d'organisme de mise en oeuvre, mais la Commission présente des recommandations à ce sujet au chapitre 6 de son rapport.

À l'étape de sélection d'un site, les gouvernements et les propriétaires de déchets retiendraient probablement des formations plutoniques favorables qui ne seraient pas nécessairement contiguës. Dans ces zones, l'organisme de mise en œuvre déterminerait quelles sont les collectivités susceptibles d'accueillir un tel projet et quels sont les sites candidats possibles. Il consulterait le gouvernement et les collectivités d'accueil éventuelles en vue d'établir des critères d'exclusion de sites et, s'il y a lieu, une méthode de classement des lieux. En utilisant ces critères et des méthodes de caractérisation de site de plus en plus détaillées, il parviendrait à choisir un site. Les organismes de transport choisiraient, pour leur part, des itinéraires et des moyens de transport en consultation avec les collectivités intéressées.

À ce stade, l'organisme de mise en œuvre commencerait à caractériser et à surveiller le milieu biophysique et les collectivités en cause, à modifier la conception de l'installation et à évaluer et gérer les effets sur l'environnement. Ces travaux se poursuivraient au besoin aux étapes ultérieures. À la fin de l'exercice de sélection, la conception serait entièrement adaptée aux conditions du site. On trouvera à l'annexe M la liste des mesures de sélection proposées par EACL. Dans les prochaines sections, nous décrirons plus en détail la disponibilité de sites potentiels et les méthodes de caractérisation.

Figure 4 : Calendrier de mise en œuvre (source : EACL)

Figure 4 : Calendrier de mise en œuvre (source : EACL)

Selon la conception retenue, à l'étape de construction on construirait les installations et les équipements de transport, les voies d'accès, les réseaux des services publics et les installations en surface, dont un établissement de conditionnement du combustible usé, on excaverait les puits, les galeries et une partie des chambres de stockage, et on aménagerait les installations auxiliaires souterraines et on mettrait à l'essai tous les systèmes.

Au stade de l'exploitation, on transporterait les déchets de leurs lieux de stockage provisoire au site du réacteur, à l'installation et on préparerait et effectuerait leur mise en place sous terre. La durée de cette étape, que l'on estime de 20 à 80 ans, dépendrait de la quantité de combustible usé et de la réalisation préalable éventuelle d'un projet pilote de stockage permanent à petite échelle. On transporterait le combustible usé dans des «châteaux» spécialisés en empruntant l'itinéraire de transport choisi (route, rail ou eau). Le nombre de chargements par an serait fonction de la quantité de déchets, du moyen de transport et de la capacité des châteaux de transport. Parmi les activités à mener sur place, on transférerait les déchets des châteaux de transport à des conteneurs de stockage permanent scellés, on transporterait ces conteneurs dans l'installation et on les mettrait en place avec le tampon et le remblai de scellement. Les opérations cesseraient quand tous les déchets seraient en place et qu'on obtiendrait les autorisations de déclassement.

Le déclassement comporterait notamment les activités suivantes : scellement du reste des cavités (puits, galeries, trous de forage), démantèlement des installations de surface, décontamination et remise en état des lieux et installation éventuelle de repères d'emplacement. Une surveillance prolongée pourrait être effectuée immédiatement avant ou après le déclassement pour que l'on puisse recueillir des données suffisantes sur le comportement de l'installation et ainsi obtenir les autorisations nécessaires pour la suite des travaux.

Le stade de fermeture, la dernière de la période de préfermeture, aurait lieu lorsque le dépôt ne dépend plus de l'intervention humaine pour remplir sa fonction. Si une surveillance restreinte est possible en période de postfermeture, [Gary Simmons, in Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, June 19, 1996, pp. 249-254.], la fermeture veut dire que l'on retire tout matériel de contrôle et scelle les trous (de forage) de surveillance qui, s'ils n'étaient pas obstrués, risqueraient de nuire à la sûreté des lieux. EACL recommande de mettre fin à l'étape de la fermeture une fois que les organismes de réglementation, la collectivité d'accueil et l'organisme de mise en œuvre conviennent que l'installation peut être abandonnée sans danger.

Bien que le concept ne prévoie pas de récupération des déchets, une telle opération demeure possible tant pendant l'exploitation qu'après le déclassement. Elle serait plus complexe et plus coûteuse dans ce dernier cas. Dans le document D-Installation, on décrit, en fonction d'un plan de conception, une opération de récupération des déchets à l'étape de l'exploitation. On fait de même pour la période postérieure au déclassement dans un des documents d'information supplémentaires examinés à l'automne de 1996.[Acres International Limited, SENES Consultants Limited, SPAR Aerospace Limited and Davy International, Feasibility of Retrieval of Nuclear Fuel Waste from a Sealed Disposal Vault TR-M-44 (document destiné à Énergie atomique du Canada limitée, Laboratoires de Whiteshell, Manitoba, juin 1996, tâche 54 et complément d'information 63).

Le chapitre 5 de l'EIE et les documents D-Sélection et D-Installation traitent plus en détail de la mise en œuvre du concept.

3.3.1 Disponibilité et caractérisation de sites

Puisqu'aucun emplacement ne sera choisi avant qu'un concept ait été jugé sûr, la Commission n'envisagera pas de sites précis éventuels. Toutefois, elle peut analyser les méthodes requises pour déterminer les caractéristiques de sites et la disponibilité générale éventuelle de tels sites au Canada. La Commission pourra aussi recueillir des données en vue de l'établissement de critères généraux pour le choix de sites . . .

Mandat

3.3.1.1 Disponibilité éventuelle de sites

Le concept d'EACL vise les formations plutoniques du Bouclier canadien. Comme l'illustre la figure 5, les roches plutoniques s'étendent sur la majeure partie des Territoires du Nord-Ouest, soit en gros sur la moitié septentrionale de la Saskatchewan et du Manitoba et la majeure partie des territoires de l'Ontario, du Québec et du Labrador. Ces roches (granite), aussi appelées roches cristallines ou intrusives ignées, se forment dans les entrailles de la terre par la cristallisation magmatique et l'altération chimique. Elles sont largement réparties sur le Bouclier et le reste du territoire canadien. En 1981, on recensait 1 365 plutons (grandes masses isolées de roches plutoniques) dans la zone de Bouclier de la seule province de l'Ontario. [G.F.D. McCrank, J.D. Misiura et P.A. Brown, Plutonic Rocks in Ontario (Ottawa : Commission géologique du Canada, document 80 - 23, 1981), p. 1.

EACL prévoit que, pour être choisi, un site devra, bien sûr, se trouver dans les formations plutoniques du Bouclier, mais aussi que deux autres conditions importantes devront être réunies : le lieu devra présenter des caractéristiques se prêtant à l'aménagement d'un système de stockage permanent sûr et écologiquement acceptable et une collectivité devra être disposée à accueillir le projet.

Le texte de réglementation R-72 de la CCEA examine les critères d'acceptabilité géologique d'un site et des roches environnantes. Ce site doit :

  • combiner des caractéristiques qui permettent de retarder considérablement le mouvement ou la libération de radionucléides;
  • ne pas faire l'objet de travaux éventuels d'exploitation des ressources naturelles;
  • être géologiquement stable;
  • être assez vaste pour que le dépôt puisse être aménagé dans les profondeurs du sol loin de toute discontinuité géologique.

En fonction de ces critères, EACL a exclu certains sites :

  • proches de mines en exploitation ou désaffectées;
  • proches de gisements connus ou probables à potentiel économique;
  • extérieurs aux zones sismiques relativement stables des catégories 0 et 1 (on se trouve ainsi à exclure l'est de l'Ontario, le sud du Québec et presque tout le Nouveau-Brunswick, comme l'indique la figure 5);
  • présentant des fossés ou des amas géologiques d'origine sismique en période historique.

Le concept exige un volume plutonique suffisamment important pour abriter une installation logée à une profondeur nominale de 500 à 1 000 mètres. EACL a établi qu'une superficie approximative de 9 kilomètres carrés serait sans doute nécessaire à la profondeur recherchée pour l'installation de référence (étude de cas). Sur les 373 plutons d'un territoire d'échantillonnage du centre-nord de l'Ontario, 75 % s'étendaient sur plus de 9 kilomètres carrés, 50 % sur plus de 35 et 10 % environ sur plus de 400.   [Cliff Davison, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 10 juin 1996, p. 28-29.  À la surface, le site devrait occuper quelque 25 kilomètres carrés, et il faudrait avoir accès à au moins une superficie environnante de 400 kilomètres carrés pour pouvoir caractériser le milieu hydrogéologique.

Figure 5 : Disponibilité éventuelle de sites au Canada (source : EACL, selon D-sélection, page 45) Zones d'exclusion proposées : zones sismiques 2 et plus bouclier Canadien

Figure 5 : Disponibilité éventuelle de sites au Canada (source : EACL, selon D-sélection, page 45) Zones d'exclusion proposées : zones sismiques 2 et plus bouclier Canadien

EACL signale que les formations plutoniques du Bouclier canadien présentent de nombreuses propriétés qui se prêtent au stockage permanent, et notamment de vastes zones éventuelles de faible perméabilité. L'organisme souligne cependant que cette perméabilité restreinte n'est pas nécessaire à la sûreté à long terme de l'installation, puisqu'on doit plutôt prendre en compte les effets conjugués des barrières techniques et géosphériques. [Énergie atomique du Canada limitée, Réponse à la demande de renseignements (rapport d'Énergie atomique du Canada limitée AECL - 11602F-V1, COG - 96-237-V1, mai 1996), p. 123-125.

Avec les possibilités qui s'offrent en ce qui a trait aux barrières artificielles, EACL croit que l'on dispose amplement au Canada de sites de stockage techniquement appropriés.

Comme EACL propose d'obtenir l'accord d'une collectivité avant de songer à aménager un dépôt, l'autre critère important de sélection de site est la présence d'une collectivité d'accueil consentante qui exerce une autorité quelconque sur le territoire en question. À défaut d'une telle compétence, s'il s'agissait d'un territoire domanial, par exemple, il faudrait trouver une administration publique compétente et disposée à accueillir le projet. Dans le cas des terres publiques, l'organisme de mise en œuvre inciterait le gouvernement à trouver une collectivité d'accueil éventuelle. On n'a demandé ni à EACL ni à un autre organisme d'examiner la disponibilité de collectivités prêtes à recevoir un site de stockage.

3.3.1.2 Méthodes de caractérisation de sites

Comme méthode de caractérisation de sites, on propose d'étudier de plus en plus en détail des territoires de plus en plus petits. EACL distingue deux étapes, celles de la présélection de sites d'une durée de 3 à 5 ans et de l'évaluation de sites d'une durée de 15 à 20 ans. On passerait les six dernières années de cette dernière étape à faire des travaux souterrains.

Pendant l'exercice de présélection, l'organisme de mise en œuvre se reporterait à l'information immédiatement disponible et aux critères d'exclusion pour délimiter des régions d'implantation possibles dans les territoires indiqués par les gouvernements et les propriétaires de déchets. On aurait notamment recours aux sources existantes d'information suivantes : images-satellite, photos aériennes, rapports, registres, cartes et données diverses. Afin de cartographier les régions pour la sélection du site, on intégrerait l'information et les critères d'exclusion en utilisant un système d'information géographique.

À ce stade, on inviterait les collectivités des régions en cause à se porter volontaires pour accueillir éventuellement l'installation de déchets. Dans les zones où on aurait obtenu la permission des collectivités d'accueil éventuelles ou des autorités compétentes, l'organisme de mise en œuvre ferait ensuite des travaux de reconnaissance par télédétection et levés de surface. On pourrait ainsi modéliser provisoirement les conditions propres à deux ou trois zones possibles d'environ 25 kilomètres carrés chacune.

À l'étape d'évaluation des sites, ce même organisme distinguerait des emplacements pour l'installation, dresserait un plan provisoire pour chaque lieu possible et en choisirait finalement un. L'évaluation des sites comporterait plusieurs tâches :

  • analyse plus approfondie de l'information existante;
  • études complémentaires de reconnaissance;
  • travaux plus détaillés et plus coûteux de caractérisation de lieux possibles (avec au moins une superficie environnante de 400 kilomètres carrés) par levé aérien et examen en surface et par trous de forage;
  • intégration de toutes les données dans des modèles régionaux tridimensionnels d'écoulement des eaux souterraines et de mouvement des contaminants.

Après avoir dressé un plan de conception technique pour les sites possibles, l'organisme de mise en œuvre aurait recours à ces modèles pour évaluer les effets éventuels sur l'environnement. S'il juge plusieurs sites acceptables, il les hiérarchisera pour choisir un lieu où on excavera des puits et des galeries d'exploration.

Au même moment, les organismes responsables du transport étudieraient les conditions le long d'itinéraires possibles afin de choisir un parcours, un moyen de transport et un plan de conception détaillé et en évaluer les effets éventuels.

Enfin, au site classé au premier rang, l'organisme de mise en œuvre procéderait à des études souterraines complètes pour confirmer l'acceptabilité des lieux, élaborer un plan de conception détaillé et effectuer l'évaluation environnementale. Si le site ne satisfait pas à tous les critères, on reprend l'opération au site classé au deuxième rang.

L'annexe J de l'EIE et les rapports de référence principaux D-Sélection et D-Préfermeture décrivent en détail l'exercice de caractérisation des sites. Bien que son exécution demande des techniques perfectionnées, l'examen de grands territoires et l'intégration de données abondantes, EACL est persuadée que l'on dispose actuellement de méthodes assez avancées pour que les travaux de sélection du site puissent s'accomplir.

3.4 Analyses de rendement du concept

EACL a présenté des évaluations du rendement du concept à la phase de préfermeture et de postfermeture et des effets sur le plan de l'environnement et de la sûreté, selon les lignes directrices de l'EIE de la Commission et les textes de réglementation de la CCEA. Ontario Hydro, qui a apporté une aide technique à EACL et étudié le stockage provisoire et le transport, a fait l'évaluation de préfermeture. Sans choix d'un site en particulier, on ne pouvait parler ni d'un milieu connu ni d'un plan d'installation propre au site. Ainsi, pour répondre aux exigences relatives aux estimations quantitatives des risques de la CCEA, EACL et Ontario Hydro ont recouru à des études de cas où des systèmes hypothétiques de stockage permanent de référence ont été caractérisés et évalués.

Malgré leur caractère hypothétique, ces études de cas de référence ont fait appel à des données de vastes études de recherche et de génie tant en laboratoire que sur le terrain. Avec les hypothèses «prudentes» qui ont été formulées, EACL et Ontario Hydro sont d'avis que les résultats surestiment les effets possibles de toute mise en œuvre du concept.

On a présenté une étude de cas pour la préfermeture et la postfermeture dans l'EIE et les rapports de référence principaux. EACL a produit une autre étude de cas de postfermeture dans sa Réponse à la demande de renseignements de mai 1996 et l'a présentée à l'occasion des audiences techniques de la phase II.

3.4.1 Analyses de rendement à la phase préfermeture

Ontario Hydro a fondé son évaluation de préfermeture sur une installation et un système de transport hypothétiques conçus pour l'évacuation de 10 millions de grappes de combustible CANDU usé. Les plans de conception sont décrits dans l'EIE et les documents D-Préfermeture et D-Installation. On a choisi comme milieux éventuels trois régions du Bouclier canadien en Ontario, le nord, le centre et le sud.

On a analysé le transport indépendamment des autres activités de l'étape d'exploitation. Ontario Hydro s'est attachée à trois moyens de transport (la route, le rail et l'eau) et à huit itinéraires éventuels depuis les trois centrales nucléaires ontariennes.

L'organisme a combiné des sources d'information et des techniques : études de cas réels, données existantes, matrices d'interaction, analyses de voies de transport de contaminants, modélisation mathématique à caractère déterministe et analyses de scénarios et de sensibilité. Il a décrit et, dans la mesure du possible, chiffré les répercussions éventuelles sur la santé humaine, le milieu naturel et les conditions socioéconomiques tant en temps normal qu'en cas d'accident, et ce, pour chaque étape de mise en œuvre.

Pour estimer le risque radiologique auquel s'expose le public pendant l'exploitation, il a examiné un «groupe critique» hypothétique cultivant la terre aux limites de l'installation et dont les membres consommaient des produits agricoles, de l'eau et du poisson contaminés. Il s'est reporté à un spécimen hypothétique de poisson d'eau douce, de végétal, de mammifère et d'oiseau pour estimer les doses au biote non humain. Il a proposé des mesures d'atténuation et de neutralisation des effets néfastes. Il a mesuré l'importance de ces effets par rapport aux valeurs limites correspondantes, aux lignes directrices, aux normes et aux valeurs naturelles ou seuils fixés par les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux, comme les décrit l'annexe B de l'EIE et le document D-Préfermeture.

Nous passerons brièvement en revue ici les résultats de l'évaluation de préfermeture, qui sont par ailleurs résumés au chapitre 6 de l'EIE et détaillés dans le document D-Préfermeture.

Bien qu'une installation de ce type n'ait jamais été construite, Ontario Hydro a conclu que les effets de préfermeture seraient comparables à ceux d'autres grands chantiers industriels (centrales nucléaires), d'où la possibilité d'exploiter l'expérience acquise dans la gestion des effets de tels projets (transport de matières radioactives).

On a estimé que les doses de rayonnement auxquelles l'exploitation et le transport exposaient le public en temps normal et en cas d'accident étaient inférieures aux valeurs limites de la CCEA dans le cas des installations nucléaires et ne représentaient qu'une petite fraction des débits d'exposition annuels attribuables au fond naturel de rayonnement. On a considéré que les débits d'exposition aux travailleurs étaient bien inférieurs aux valeurs limites de la CCEA pour les travailleurs sous rayonnements en temps normal comme en cas d'accident. Les concentrations de radionucléides dans le milieu naturel et les doses de rayonnement au biote non humain ne constituaient qu'une faible proportion des concentrations naturelles selon les estimations. Ontario Hydro a constaté que les effets non radiologiques possibles étaient soit négligeables soit faibles, et qu'il était possible de les atténuer par des techniques et des pratiques connues.

Bien qu'elle ait estimé que les effets radiologiques éventuels étaient inférieurs aux valeurs limites établies, Ontario Hydro a reconnu qu'ils préoccupaient vraisemblablement les populations qui vivent près de l'installation et le long des voies de transport et que les effets socioéconomiques risquaient d'être importants. Les collectivités autochtones et nordiques seraient plus sensibles que les autres aux effets de la construction et de l'exploitation (transport compris). Comme retombées socioéconomiques les plus positives, on a mentionné le confinement permanent des déchets, l'emploi et la croissance économique locale. On a jugé que les quantités de matières premières et de produits manufacturés nécessaires à la mise en œuvre du concept étaient modestes par rapport aux disponibilités au Canada ou ailleurs, tout en précisant que le coût estimatif de l'installation de référence (étude de cas) serait appréciable.

Ontario Hydro en a conclu que la précision de l'évaluation de préfermeture se trouvait limitée par son caractère général et qu'il était impossible de mesurer l'importance des effets socioéconomiques sans consulter les populations éventuellement touchées.

Le complément d'information examiné à l'automne de 1996 comprenait une analyse probabiliste sélective des répercussions des activités de préfermeture.[Sean B. Russell, "Preclosure Probabilistic Assessment of the Canadian Concept for Used Fuel Disposal Focussing on Key Radionuclides and Exposure Pathways for Routine Emissions," Proceedings of the International Conference on Deep Geologic Disposal of Radioactive Waste, Canadian Nuclear Society, September 16-19, 1996 (Lac du Bonnet : Société nucléaire canadienne, 1996, engagement 96 et complément d'information 75).

Les estimations de doses moyennes et de concentrations de radionucléides dans le milieu naturel au terme des activités courantes (après 41 ans) se comparaient en gros à celles qui figuraient dans l'EIE. Elles ont baissé par la suite. L'auteur en a donc conclu que l'incidence à long terme des activités devrait être négligeable.

À la demande de la Commission, EACL et Ontario Hydro ont procédé à une brève analyse qualitative des conséquences de préfermeture d'une installation de stockage permanent de 10 millions de grappes avec mise en place dans des chambres plutôt que dans des trous de forage. [Énergie atomique du Canada limitée, Response to Undertaking 100, Preclosure Implications of a Disposal Vault using the In-room Emplacement Method, engagement 100, 15 novembre 1996.

Ces organismes ont dit que, en général, les valeurs dégagées se situaient dans les fourchettes de l'étude de cas de référence et des analyses de sensibilité décrites dans l'EIE et le document D-Préfermeture et fondées sur le mode de mise en place dans des trous de forage. Il subsistait toutefois quelques différences dignes de mention.

Comme il fallait diminuer la densité de chargement des conteneurs (dans le but de protéger les travailleurs des rayonnements), on devait doubler à peu près la superficie de l'installation pour la porter à quelque 7,25 kilomètres carrés, d'où l'exigence d'un volume de roche encaissante supérieur et d'une superficie du site quelque peu plus grande. Si la quantité nécessaire de matériaux de remblayage devait approximativement diminuer de moitié, celle du tampon de bentonite devrait doubler. Pour ce qui est du transport de combustible usé et des émissions radioactives des installations de surface avec leurs effets possibles, les valeurs demeuraient inchangées [Kurt Johansen, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 20 novembre 1996, p. 15. Le coût estimatif d'une mise en place en chambres serait de 15 à 20 % supérieur par grappe de combustible à celui d'une mise en place dans des trous de forage.

3.4.2 Analyses de rendement à la phase de postfermeture

L'évaluation de postfermeture d'EACL est décrite au chapitre 7 de l'EIE et dans quatre des rapports de référence principaux (D-Postfermeture, D-Installation, D-Géosphère et D-Biosphère). On y trouvera notamment un examen qualitatif des conditions et du comportement à long terme du système de stockage, une estimation quantitative du comportement d'un système hypothétique pendant les 10 000 premières années de son existence, et une étude qualitative pour le reste de sa durée.

EACL voulait démontrer par son évaluation quantitative de rendement que cette méthodologie pouvait s'appliquer à une installation réelle et que celle-ci pourrait être d'une sûreté indéfinie grâce à des techniques «actuellement disponibles ou facilement réalisables». L'exercice comporte des analyses de scénario et de sensibilité et une explication des sources d'incertitude et de leur traitement. On y trouve aussi des résultats d'études de terrain, de laboratoire et de génie poussées, des expertises, des analyses de voies de transport des contaminants et des éléments déterministes et probabilistes de modélisation mathématique. EACL évalue les modèles en les comparant à des études de cas d'analogues naturels, à des observations réelles et à des prévisions de modèles indépendants.

Dans la description qualitative du système de stockage de postfermeture, elle s'attache aux procédés et aux hypothèses essentiels à l'évaluation du comportement à long terme du système. L'organisme en conclut qu'une suite de barrières techniques conçues et disposées de manière à tirer avantage d'un emplacement bien choisi réussirait à confiner les déchets.

Pour l'analyse quantitative, EACL a représenté le système hypothétique de stockage permanent de référence à l'aide de modèles mathématiques liés portant sur la biosphère, la géosphère et les composants de l'installation. Les modèles de la biosphère et de la géosphère reposaient sur les données provenant de l'Aire de recherches de Whiteshell (ARW) d'EACL. Le modèle de la géosphère comprenait également des données de levés de surface pour le laboratoire souterrain de recherches. On a ainsi spécifié un milieu plutonique peu fracturé et de faible perméabilité pour l'installation. Enfin, pour cette même installation, on a prévu une capacité de 8,6 millions de grappes de combustible, des conteneurs à enveloppe de titane garnis de particules tassées, une mise en place dans des trous pratiqués dans les planchers des chambres de stockage à une profondeur de 500 mètres.

EACL a simulé divers processus : évolution des inventaires de radionucléides dans le temps; corrosion des conteneurs; libération de contaminants des déchets et migration dans l'installation, la géosphère et la biosphère, sans oublier les chaînes alimentaires; exposition des organismes aux rayonnements internes et externes. EACL a défini le «groupe critique» comme un ménage rural autosuffisant qui habite dans l'aire de captage des eaux souterraines de l'installation et qui tire toute sa nourriture, son eau et ses produits des alentours. Comme dans l'analyse de préfermeture, on fait intervenir des organismes hypothétiques représentant un végétal, un mammifère, un oiseau et un poisson.

EACL a exclu un certain nombre de scénarios du processus de modélisation -- criticité, sismicité, évolution de la biosphère et changement climatique -- parce qu'elle les jugeait hautement improbables ou implicites dans les données utilisées. Dans le modèle de système général, elle a prévu un scénario où le groupe critique perce accidentellement un puits pour son alimentation en eau au centre du panache de contaminants dans une zone fracturée et perméable près de l'installation et y puise de l'eau contaminée pour la consommation et l'irrigation. EACL a analysé quatre autres scénarios d'intrusion intempestive où, dans une opération de forage, on transperce un conteneur de déchets dans une installation scellée, ce qui fait remonter ces déchets à la surface. Selon les scénarios, un membre de l'équipe de forage ou un technicien de laboratoire subissent une radioexposition ou encore, les déchets en question sont dispersés sur le site et un travailleur de la construction ou un résident sont par la suite exposés à des rayonnements.

Pour prendre en compte et chiffrer l'incertitude inhérente à la modélisation de systèmes complexes sur de longues périodes, EACL a employé une méthode probabiliste où chaque caractéristique du système modélisé est représentée par un paramètre qui, selon la nature de ces caractéristiques, prend une «valeur constante», une valeur d'«aiguillage» (parmi deux ou trois possibilités) ou une valeur tirée d'une distribution probabiliste des valeurs possibles.

Elle a utilisé un programme informatique appelé SYVAC (Programme de calcul pour l'analyse de la variabilité des systèmes) pour choisir la valeur de chacun des paramètres des modèles de l'installation, de la géosphère et de la biosphère. SYVAC prélève aléatoirement des valeurs paramétriques des distributions probabilistes des valeurs d'entrée, puis calcule le résultat pour cette combinaison de valeurs. Pour juger de la variabilité des valeurs paramétriques, on se fonde principalement sur des avis d'experts. On répète l'échantillonnage (pour les sept radionucléides les plus importants) dans plus de 40 000 simulations pour produire une distribution de fréquence des débits de dose de rayonnement estimatifs pour un membre du groupe critique. On trace les tendances dans le temps jusqu'à un horizon de 100 000 ans. Les distributions de fréquence indiquent la gamme des doses possibles et leurs probabilités d'occurrence. SYVAC calcule en outre des concentrations moyennes de contaminants dans l'environnement, ainsi que des débits de dose moyens pour les quatre organismes hypothétiques.

EACL a comparé les résultats des simulations SYVAC aux critères, lignes directrices, normes et niveaux de rayonnement naturels des organismes de réglementation fédéraux et provinciaux pour voir s'ils étaient convaincants. Elle a constaté que les estimations de dose annuelle totale sur 10 000 ans pour les 40 000 simulations étaient 300 millions de fois inférieures aux valeurs du fond naturel de rayonnement. Le risque associé était inférieur, lui, de 5 millions de fois aux critères de risque individuel que fixe le texte de réglementation R-104 de la CCEA, soit un cas sur un million de cancers mortels ou d'effets génétiques graves en une année. L'estimation de dose annuelle maximale tirée de ces analyses pour un horizon allant jusqu'à 10 000 ans était de 81 000 fois inférieure aux valeurs du fond naturel de rayonnement et le risque associé était de 1 350 fois inférieure aux critères de la CCEA. Les scénarios d'intrusion humaine intempestive qui ont été analysés séparément, portaient, selon les estimations, le risque en question à un niveau d'environ 3 333 fois inférieur aux critères de la CCEA. EACL prévoyait une incidence négligeable sur le milieu naturel par la toxicité chimique et l'irradiation, comme le démontrait le modèle. Elle a conclu que, s'il était impossible de dissiper toute incertitude, la méthode employée satisfaisait tout de même aux exigences énoncées par le texte de réglementation R-104 de la CCEA, où on dit que le risque prévu doit être «suffisamment faible pour tenir compte d'une certaine marge d'incertitude dans les scénarios d'irradiation et dans leurs conséquences». [Énergie atomique du Canada limitée, Étude d'impact sur l'environnement, p. 366.

Comme les doses prévues n'atteignent pas un maximum avant 10 000 ans, limite des analyses quantitatives exigées par le texte de réglementation R-104, EACL s'est contentée d'un traitement qualitatif des effets prévus par la suite. L'iode 129, dont la période radioactive est de 15,7 millions d'années, est l'élément qui contribue le plus à la dose estimée pendant les 100 000 premières années. Cet apport n'atteint pas un maximum dans ce laps de temps. D'autres radionucléides peu importants avant 100 000 ans pourraient accroître leur influence par la suite. EACL fait valoir que toute libération de radionucléides après 10 000 ans serait progressive, que les doses résultantes se compareraient quantitativement aux valeurs du fond naturel de rayonnement et qu'aucun effet marqué ne se produirait.

Comme nous l'avons déjà signalé, une seconde étude de cas de postfermeture a été présentée à l'occasion des audiences techniques.[A.G. Wikjord, P. Baumgartner, L.H. Johnson, F.W. Stanchell, R. Zach et B.W. Goodwin, The Disposal of Canada's Nuclear Fuel Waste: A Study of Postclosure Safety of In-Room Emplacement of Used CANDU Fuel in Copper Containers in Permeable Plutonic Rock, Volume 1: Summary (rapport d'Énergie atomique du Canada limitée AECL - 11494 - 1, COG - 95 - 552 - 1, 1996, partie de la engagement 58, complément d'information 60).

EACL maintient que l'EIE et les rapports de référence principaux livrent des données suffisantes pour juger de la sûreté et de l'acceptabilité du concept. Toutefois, explique-t-elle, la seconde étude de cas montre que le concept et les méthodes d'évaluation et de modélisation sont assez souples pour s'adapter à des différences de caractéristiques de site, de conceptions et d'exigences de sûreté. Ainsi, cette étude répond à diverses critiques du concept et de l'étude de cas de l'EIE.

Si elle était fondée sur des conteneurs en titane mis en place dans des trous de forage situés dans des roches peu fracturées et à faible perméabilité, la seconde étude de cas est fondée sur des conteneurs en cuivre «mis en chambre» dans une formation rocheuse perméable. Dans le premier cas, le facteur de sûreté qui domine est la nature des roches, et dans le second, c'est le conteneur en cuivre durable. Comme il est plus difficile de protéger les travailleurs contre les rayonnements dans la mise en place en chambre, on diminue de moitié (par rapport à la densité de l'étude de cas de l'EIE) la densité d'aménagement des conteneurs dans la nouvelle étude. La capacité de l'installation diminue d'autant, passant de 8,6 à 4,3 millions de grappes de combustible pour en gros une même superficie de stockage permanent.

Bien que la méthode d'évaluation de la seconde étude de cas ressemble à celle de la première, elle revêt un caractère sélectif, car elle repose uniquement sur 14 000 simulations, s'attache uniquement au scénario de transport de contaminants le plus probable et aux 16 radionucléides aux effets les plus marqués et prévoit une profondeur moindre pour le puits d'approvisionnement en eau. Ajoutons qu'elle n'évalue pas les effets d'éléments chimiquement toxiques. Précisons enfin que, entre autres changements, elle fait appel à un modèle d'installation largement modifié, à des valeurs paramétriques de la géosphère hypothétiques et défavorables et à un prototype de programme de calcul qui n'a pas fait l'objet des mêmes contrôles d'assurance de qualité.

En raison des différences de matériaux et de durée utile des conteneurs, on modélise la libération de contaminants de ces mêmes conteneurs comme devant s'opérer par des défauts de fabrication non décelés de la taille d'un trou d'épingle plutôt que par défaillance due à la corrosion des conteneurs comme dans l'EIE. Comme les conteneurs sont mis en place dans des chambres, ils sont entourés de matériaux de remblayage, ce qui n'est pas le cas dans une mise en place dans des trous de forage. Les conditions attribuées au modèle de géosphère sont moins favorables que celles que l'on observe à plus de 500 mètres de profondeur dans toutes les aires de recherches d'EACL, d'où des débits d'eaux souterraines bien supérieurs entre l'installation et la surface.

Les résultats indiquent que les effets radiologiques se manifestent relativement plus tôt que selon le scénario de l'étude de cas de l'EIE, ce qu'EACL attribue à des durées réduites d'écoulement et aux apports consécutifs de radionucléides à période plus courte et à activité spécifique supérieure. Le débit de dose moyen culmine aux 10 000 ans et est 25 fois inférieur à la valeur du critère de risque radiologique de la CCEA et 1 500 fois inférieur à la valeur du fond naturel de rayonnement pour l'Ontario. EACL en déduit que le risque radiologique maximal n'est pas nécessairement plus élevé que dans l'étude de cas de l'EIE, mais qu'il se présente plus tôt dans le temps. Comme dans cette étude de cas, on estime que les débits de dose au biote non humain se situent en deçà des valeurs inférieures de la fourchette du fond naturel de rayonnement, ce qui permet de conclure à l'absence d'effets radiologiques importants.

3.5 Conséquences de l'aménagement d'une installation conforme au concept d'EACL

La Commission devrait aussi examiner les impacts sociaux, économiques et environnementaux d'une installation éventuelle de gestion des déchets de combustible nucléaire. . . . en plus d'examiner d'une façon très générale les coûts et bénéfices qui en résulteraient pour les communautés éventuelles où le site serait situé.

En outre, l'examen portera aussi sur les impacts du transport des déchets de combustible nucléaire vers un site générique.

Mandat

La Commission a examiné les diverses conséquences de l'implantation d'une installation avec les activités de transport qui s'y rattachent. Dans cette section, nous mettons ces conséquences en lumière, et nous les décrivons plus en détail à l'annexe N. Certaines de ces conséquences pourraient aussi valoir pour d'autres modes possibles de gestion des déchets de combustible nucléaire. L'annexe L évoque certaines conséquences d'autres options, mais la Commission ne disposait pas d'assez de renseignements pour en faire l'examen complet.

Cette section se divise en sous-sections où sont respectivement examinées les répercussions sur la santé humaine, l'environnement et les conditions économiques et sociales, ainsi que dans le domaine du transport. La Commission reconnaît, bien sûr, que ces effets sont étroitement liés entre eux. Dans tout cet examen, on intègre les éléments d'étude des coûts et des avantages pour les collectivités d'accueil possibles. Si on a bien traité dans l'EIE et les documents d'appui des conséquences sur la santé humaine et dans le domaine du transport, les autres sujets n'ont pas été suffisamment développés. C'est pourquoi la plupart des participants à l'exercice d'examen n'en ont pas discuté en détail.

De nombreuses conséquences de l'installation proposée tiennent à ce qu'il s'agit d'un projet à long terme relativement vaste et technologiquement complexe visant au stockage permanent des déchets de combustible nucléaire. Ces mêmes conséquences entreraient en jeu à bien des égards s'il était question d'une centrale nucléaire, d'une mine d'uranium ou d'un grand centre de gestion des déchets dangereux. Nous savons aussi que le lieu de stockage envisagé se trouve dans le Bouclier canadien relativement important d'un point de vue écologique. Il n'en reste pas moins que la nature et l'ordre de grandeur des effets dépendent de facteurs encore inconnus à ce stade de l'élaboration du concept. Plus on approchera de l'étape de la sélection d'un site et des étapes ultérieures de mise en œuvre, plus ces facteurs se préciseront.

Peut-être le plus primordial de ces facteurs inconnus est-il le milieu social de l'installation. Selon le promoteur, on ne sait pas si les effets socioéconomiques éventuels seront positifs ou négatifs ou même s'il s'agira d'effets importants sans d'abord connaître deux choses au sujet des gens qui les subiront : comment ces gens percevront-ils ces effets? comment peuvent-ils les gérer? Les petites collectivités nordiques ou autochtones pourraient être particulièrement vulnérables aux effets nocifs.

Une autre incertitude est la capacité de l'installation, facteur qui déterminera non seulement son coût, mais aussi le nombre de chargements de grappes de combustible et d'autres produits, la durée du projet et d'autres éléments. Ainsi, selon les estimations d'EACL, une installation de 5 millions de grappes coûterait 8,7 milliards de dollars (dollars de 1991) et demanderait 63 ans pour sa réalisation. Une installation de 10 millions de grappes coûterait 13,3 milliards de dollars (dollars de 1991) et sa réalisation s'étendrait sur 89 ans. Alors que l'installation de référence d'EACL était destinée à recevoir 10 millions de grappes de combustible usé, on prévoyait que le tiers environ de cette quantité de grappes aurait été produite au moment où les réacteurs canadiens en place seraient mis hors service.

Tous les facteurs qui déterminent les conséquences de l'aménagement de l'installation proposée sont interdépendants. Tant qu'ils demeurent indéfinis, le mieux que l'on puisse faire, c'est évoquer un certain nombre de possibilités.

3.5.1 Conséquences sur la santé humaine

Dans ses exigences de délivrance de permis, la CCEA fixe pour les 10 000 ans suivant la fermeture d'une installation un risque d'irradiation maximal pour les personnes les plus exposées qui habitent à proximité du site, soit 1 cas sur un million de cancers mortels ou d'effets génétiques graves en une année. Si l'on répond à ces exigences, il est clair que ce sont les préposés au transport et au stockage provisoire qui seront le plus exposés aux rayonnements pendant la durée utile de l'installation. Le risque se limitera à la dose maximale admissible aux travailleurs professionnellement exposés. Pendant les audiences publiques, les participants ont fait remarquer à plusieurs reprises que les dispositions réglementaires actuelles de la CCEA en matière d'exposition professionnelle ne tiennent pas compte des recommandations les plus récentes de la CIPR. On est toutefois en train d'aligner les valeurs limites de la CCEA sur les dernières recommandations internationales. La Commission prévoit que des limites modifiées seront appliquées avant qu'une installation de stockage permanent ne soit mise en service.

Dans un certain nombre de communications, on a soulevé une question plus grave. Plusieurs participants s'inquiétaient de ce que même la dernière estimation numérique établie par la CIPR pour le risque lié à la dose unitaire de rayonnement soit trop basse. La Commission a examiné la question avec soin (voir l'annexe H) pour conclure que cette estimation de la CIPR protège quand même suffisamment la santé publique. Il reste que, outre les effets sur la santé des travailleurs par radioexposition, bon nombre de personnes subiront inévitablement un grand nombre d'accidents «normaux» dans l'industrie et les transports pendant l'exploitation de l'installation.

Si l'on suppose que 10 millions de grappes de combustible usé seront placées dans une installation située en un lieu éloigné du nord de l'Ontario et que tout le transport se fera par camion, on peut se reporter aux données fournies par Ontario Hydro pour estimer un plafond ou une valeur maximale de prévision quantitative des effets sur la santé susceptibles de se produire pendant la durée utile de l'installation. D'après les données présentées à l'annexe N, la Commission est d'avis que les risques industriels normaux que présentent les activités de transport, de construction et d'extraction dépasseront largement ceux d'une radioexposition que pourraient subir les travailleurs ou le public en général. Nous estimons en outre que ces risques ne sont pas inhabituels dans le cas d'une exploitation aussi considérable et prolongée.

La Commission reconnaît néanmoins que les inquiétudes au sujet des risques d'ordre radiologique créeront beaucoup de stress chez certaines personnes. De plus, l'ampleur du projet peut nuire à la cohésion dans une collectivité, ce qui ajoute au stress des individus et risque de faire naître des comportements préjudiciables à la santé d'une collectivité. De nombreux participants autochtones ont dit craindre qu'un projet pouvant bouleverser la structure culturelle d'une collectivité n'ait des effets dévastateurs sur le mode de vie autochtone.

3.5.2 Conséquences sur l'environnement

La Commission convient avec le GES que la plus grande incidence sur l'environnement d'une installation de stockage permanent conforme au concept d'EACL devrait se présenter durant l'étape de la préfermeture.  [Groupe d'examen scientifique, Une évaluation de l'Étude d'impact environnemental concernant le concept d'Énergie Atomique du Canada Limitée de stockage permanent des déchets de combustible nucléaire du Canada. Rapport du Groupe d'examen scientifique (Hull : Agence canadienne d'évaluation environnementale, 6 octobre 1995), p. 3.

Comme tout autre grand chantier en milieu naturel, l'aménagement d'installations de surface et de couloirs d'accès pourrait influer sur les habitats terrestres et les habitats de zone humide et d'eau douce. La contamination possible des cours d'eau et la transformation des courants migratoires de la faune en raison des activités du projet pourraient avoir des répercussions sur les populations autochtones et nordiques qui en dépendent pour leur survie. Toutefois, si on applique des règlements appropriés et adopte de bonnes pratiques de génie et de gestion, il devrait être possible d'atténuer les effets négatifs sur l'environnement.

Les radionucléides circulent dans la biosphère par des voies bien définies et selon des processus cycliques complexes d'ordre géologique, biologique et chimique. Comme ils ne peuvent emprunter que ces voies naturelles complexes, il n'y a pas d'écoulement hydrologique rectiligne en direction de la surface. Dans toute tentative de modélisation du mouvement des radionucléides dans la biosphère, on devra tenir compte de ces déplacements constants au sein de l'écosystème.

3.5.3 Conséquences économiques

Les effets économiques d'une installation de stockage permanent des déchets de combustible nucléaire sur une collectivité ou une région dépendent de l'importance et de la nature de l'activité économique qui s'exerce, ainsi que des vues de ses habitants. D'un certain point de vue, l'installation offrirait des possibilités locales d'emploi et d'affaires sur une période relativement longue. D'un autre point de vue, son exploitation pourrait submerger ou supplanter les activités économiques de petites collectivités. La valeur des biens fonciers peut augmenter ou diminuer selon la proximité de l'installation ou de ses voies de transport, l'accessibilité plus difficile des lieux et la demande de logements.

Dans l'examen, on s'est aussi intéressé à la disponibilité de ressources non renouvelables nécessaires à l'aménagement et à l'exploitation d'une installation de stockage permanent. Les disponibilités en matériaux seront-elles suffisantes et les quantités prélevées représenteraient-elles une consommation dispropor-tionnée de ressources dans une perspective locale, régionale, nationale ou internationale? Bien des participants s'inquiétaient fort également de ce dont il faudrait disposer en ressources financières pour construire et exploiter une installation.

3.5.4 Conséquences sociales

Comme nous l'avons déjà dit, il est impossible de déterminer avec précision la nature et l'ampleur des effets sociaux si l'on ne sait au juste quel sera le milieu social où l'installation sera implantée. Ces conséquences dépendent de facteurs comme le type des collectivités d'accueil et des collectivités touchées éventuelles, les valeurs, les besoins et les désirs de ces collectivités et leur capacité de gérer les effets du projet, et les liens entre les individus et les communautés, d'une part, et leur milieu naturel, d'autre part.

Au stade de la sélection du site, même une démarche volontaire à laquelle présideraient les principes de la concertation, de la transparence et de l'équité énoncés par EACL pourrait susciter de vastes divisions chez les habitants des territoires en cause. Par conséquent les collectivités pourraient subir diverses répercussions politiques attribuables aux conflits de valeurs, d'opinions et d'intérêts, avoir une meilleure cohésion ou être en conflit. Aux étapes de la construction et de l'exploitation, de nombreux effets socioéconomiques dépendront en grande partie de l'importance, de la démographie, du lieu de résidence et des autres caractéristiques de la main-d'oeuvre et de leur famille par rapport à l'importance de la collectivité d'accueil et à sa capacité de fournir des travailleurs et d'assimiler des travailleurs extérieurs et, si possible, leur famille. Une augmentation rapide de la population ou une décroissance démographique à l'étape du déclassement pourraient, avec les changements sociaux et culturels qui les accompagnent, créer un stress collectif. En outre, l'arrivée d'une population non autochtone dans un territoire autochtone traditionnel peut aller à l'encontre des valeurs, de la culture et de la langue de sa population et des modes de vie traditionnels. Pour éviter ou atténuer le plus possible de tels effets, il faudrait des mesures spéciales conformes aux désirs de la collectivité en cause.

L'expérience de projets semblables nous enseigne qu'un des effets socioéconomiques les plus importants serait le déplacement forcé de membres d'une population en vue de l'acquisition de terrains pour une installation. La population locale pourrait aussi avoir l'impression que l'on modifie en grande partie son milieu physique pour y mener des activités à grands risques, ce qui pourrait nuire aux habitudes d'occupation collective du sol et aux activités traditionnelles, récréatives ou économiques qui en sont tributaires.

3.5.5 Conséquences dans le domaine du transport

Dans ses effets possibles, le transport de déchets de combustible nucléaire dépend de nombreux facteurs encore indéterminés : lieu d'aménagement de l'installation, éloignement du site des centrales, moyens et itinéraires de transport. Sauf pour la nature hautement radioactive du chargement et ses conséquences, les effets seraient semblables à ceux du transport de matériaux et de fournitures pour la construction et l'exploitation de l'installation. À bien des égards, le transport de combustible nucléaire usé ne diffère pas du transport fréquent de marchandises dangereuses ou d'autres substances radioactives.

Les craintes inhabituelles que suscite le transport de déchets de combustible nucléaire est une des principales conséquences de l'aménagement de l'installation proposée. Voici les inquiétudes qui revenaient le plus dans les consultations publiques : sécurité des routes, intégrité des châteaux de transport, menaces pour la sécurité, capacités d'intervention d'urgence, responsabilité civile et assurances et consultation du public. Ainsi, certains participants redoutaient qu'un accident survenu en région éloignée, surtout en cas de libération de matières radioactives, ne vienne causer d'interminables bouchons sur la seule route disponible, ce qui pourrait condamner les populations locales à de longues périodes d'isolement. Les participants ont dit également craindre que des chargements soient volés ou sabotés, notamment le long de tronçons éloignés des itinéraires de transport. Ces appréhensions font ressortir l'importance d'élaborer un plan complet d'intervention d'urgence en consultation avec les collectivités qui vivent le long des voies de transport.

Aux accidents et aux interventions d'urgence sont liées les questions de responsabilité (civile) et d'assurances et les divers règlements et lois en matière de transport de déchets de combustible nucléaire ne sont pas explicites quand aux conséquences de ces questions pour les services publics et l'organisme de gestion des déchets.