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Rapport de la commission d'examen

6.0 Étapes futures et mesures à prendre

Au terme de cet examen, la Commission fera des recommandations pour aider les gouvernements du Canada et de l'Ontario à prendre des décisions ... au sujet de la marche à suivre pour assurer une gestion à long terme sûre des déchets de combustible nucléaire au Canada... la Commission devra considérer dans quelle mesure nous devrions soulager les générations futures du fardeau de surveillance des déchets... .

Préparation du rapport final de la Commission concernant :

... (b) les mesure à prendre pour la gestion des déchets de combustible nucléaire au Canada ...

Mandat

En plus des défis techniques à relever, la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire au Canada devrait se heurter à de formidables obstacles sociopolitiques si les gouvernements et l'industrie nucléaire ne savent pas planifier soigneusement. Au chapitre précédent, nous sommes parvenus à la conclusion qu'on n'avait pas démontré que le concept de stockage permanent d'EACL jouissait du degré d'acceptabilité lui permettant d'être privilégié comme mode canadien de gestion des déchets de combustible nucléaire. Pour obtenir cette acceptabilité aux yeux de la population selon les critères énoncés au chapitre 4, le promoteur et les gouvernements doivent suivre un certain nombre d'étapes. On ne devrait chercher un site qu'après une large acceptation populaire d'un concept particulier de gestion de ces déchets.

Le plan d'obtention et de détermination de cette acceptabilité que nous recommandons comporte quatre étapes :

  • Étape I : Mise en place (un an environ) - mesures à prendre immédiatement;
  • Étape II : Acceptation d'un concept (deux ans environ) - mesures visant à établir quel concept de gestion des déchets de combustible nucléaire est le plus acceptable;
  • Étape III : Acceptation d'un projet - mesures visant à déterminer si un projet particulier à un site qui repose sur le concept choisi est acceptable;
  • Étape IV : Mise en œuvre - mesures visant à réaliser le projet, si celui-ci est accepté.

Le plan général, les étapes qu'il comporte et les mesures constitutives sont illustrés à la figure 6 et décrits aux sections suivantes. Certaines mesures sont des processus qui s'étendent sur deux étapes ou plus et d'autres sont discrètes. Un grand nombre de liens entre ces mesures ne sont pas entièrement indiqués dans la figure, mais le sont dans le texte. Ces activités exigeront une coordination attentive. De l'avis de la Commission, si l'on ne devait pas prêter une attention suffisante à un élément de ce plan, on pourrait fort bien mettre fin à toute gestion ordonnée à long terme des déchets de combustible nucléaire.

6.1 Étape I : Mise en place

Durant l'étape de mise en place, le gouvernement fédéral devrait rendre public un énoncé de politique régissant la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire et lancer un processus de participation des autochtones comme nous le décrirons à la section suivante. Cette politique devrait prévoir la création immédiate d'une agence de gestion des déchets de combustible nucléaire (AGDCN) et en préciser le mandat et les responsabilités dans le cadre du plan d'obtention et de détermination de l'acceptabilité, comme nous le décrivons en détail dans le présent chapitre. Au cours de la même étape, la CCEA devrait entreprendre un examen public des documents réglementaires relatifs à la gestion des déchets de combustible nucléaire, comme nous le proposons plus loin. De l'avis de la Commission, l'étape I devrait durer environ un an.

Recommandation de la Commission

Le gouvernement fédéral devrait rendre public un énoncé de politique régissant la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire.

6.1.1 Processus de participation des autochtones

Même si les peuples autochtones comptent parmi les populations qui seront le plus touchées par la mise en œuvre d'un concept de gestion des déchets de combustible nucléaire, leur participation à ce jour est restée insuffisante. En mettant en place un processus de participation à leur intention, on leur permettrait de prendre une part entière à l'obtention et à la détermination de l'acceptabilité d'un concept. Grâce à un tel cadre, ils pourraient comprendre et évaluer en profondeur le problème que pose la gestion des déchets, contribuer à l'élaboration des options et du cadre éthique et social d'évaluation prévu à l'étape II et participer à toutes les mesures et les décisions utiles qui doivent suivre. Les peuples autochtones devraient concevoir et réaliser ce processus en fonction de leurs systèmes de valeurs et leurs processus de prise de décisions. Il faut donc leur accorder le temps et les ressources nécessaires pour ce faire. Tout en convenant que ce processus est primordial pour les autochtones, la Commission juge qu'il est nécessaire de tenir compte des délais convenus de manière à aussi respecter les droits des autres participants concernés. Le gouvernement devrait entreprendre immédiatement cette démarche et confier la responsabilité de sa poursuite à l'AGDCN, une fois que cet organisme aura vu le jour. 

Figure 6 : Plan d'obtention et de détermination de l'acceptabilité

Figure 6 : Plan d'obtention et de détermination de l'acceptabilité

Nous recommandons en particulier que le promoteur soit tenu d'engager des consultations efficaces avec des collectivités des premières nations et des organismes de regroupement représentatifs au sujet de ce concept qui doit être mis en œuvre dans le Bouclier canadien. Les consultations devraient être financées par EACL, mais entreprises par les premières nations elles-mêmes suivant leurs propres méthodes, avec leurs propres spécialistes et dans le respect de leurs intérêts, de leurs valeurs et de leurs priorités.

Assemblée des chefs du Manitoba, Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador et Grand Conseil des Cris (Eenou Estchee) [Assemblée des chefs du Manitoba, Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador et Grand Conseil des Cris (Eenou Estchee), Summary Final Submission to the Environmental Assessment of the Atomic Energy of Canada Limited High-level Nuclear Waste Disposal Concept, CSS.036, avril 1997, p. 3.]

Recommandation de la Commission

Le gouvernement fédéral devrait immédiatement lancer avec des fonds suffisants un processus de participation des peuples autochtones, lesquels devraient se charger de la conception et de la mise en application de ce processus.

Les opinions et les réflexions des peuples autochtones peuvent influer utilement sur les mesures que propose le présent rapport. Comme leur culture et leur mode de vie reposent sur les indissolubles liens qui les unissent au milieu naturel, ils peuvent contribuer à clarifier la question de savoir comment mettre soigneusement en balance le respect et le souci des autres espèces et une éthique anthropocentrique. Il s'agit de rapprocher les valeurs humaines et écologiques pour le cadre d'évaluation éthique et social que nous décrivons à l'étape II.

En rendant grâce chaque jour et à chaque rencontre, nous gardons à l'esprit que nous ne sommes pas plus importants que tout autre élément de ce système en équilibre. Toute partie du monde qui disparaît ou fléchit peut rompre entièrement la chaîne et le cycle de la vie. Aucun élément de ce monde n'est plus important qu'un autre. Le cycle de la vie est circulaire parce qu'il est équilibré. L'être humain est doué de raison parce qu'il a des responsabilités particulières à l'égard du milieu naturel, qui n'est pas le royaume où il règne.

Carol Jacobs,

Haudenosaunee Environment Delegate [Carol Jacobs, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 27 juin 1996, p. 249-250.]

6.1.2 Création d'une agence de gestion des déchets de combustible nucléaire (AGDCN)

Pour diverses raisons, il existe dans bien des milieux une appréhension au sujet de l'énergie nucléaire qui hante les activités et les projets de l'industrie nucléaire. Si l'on entend susciter une confiance quelconque dans un système de gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire, on doit repartir du bon pied en se dotant d'un nouvel organisme indépendant des producteurs et des propriétaires actuels des déchets et dont la mission globale sera axée sur la sûreté.

Le Comité mixte se soucie de la crédibilité publique de cet organisme et considère qu'il faut à cette fin un détachement par rapport aux organismes qui ont été étroitement associés à la production et au traitement des déchets de combustible nucléaire.

Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada [Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada, Presentation, Phase I, p. 2.]

Cet organisme doit avoir pour mandat et pour unique objectif de gérer et de coordonner tout l'éventail des activités associées aux déchets de combustible nucléaire produits au Canada, quelle que soit l'option retenue en ce qui concerne cette gestion. Les participants à nos audiences publiques ont évoqué cette nécessité à plusieurs reprises.

6.1.2.1 Responsabilités : tâches à entreprendre

Au départ, l'AGDCN lancerait à l'étape II les mesures prévues par le plan d'obtention et de détermination de l'acceptabilité, les orienterait ou y participerait. Ainsi, dès sa création, elle aurait pour tâche :

  • d'encourager et de faciliter la participation des autochtones à toutes les mesures et décisions;
  • d'élaborer un plan de participation du public à toutes les étapes et décisions et de lancer ce processus;
  • d'élaborer des options en matière de gestion des déchets de combustible nucléaire;
  • d'établir un cadre d'évaluation éthique et social;
  • de développer des considérations techniques;
  • d'établir et de présenter une comparaison des options par rapport au cadre d'évaluation, aux exigences révisées de la CCEA et aux considérations techniques;
  • de suivre de près les développements sociaux et techniques dans les autres pays pour se tenir au courant de ceux qui peuvent intéresser le Canada.

Ces tâches sont primordiales si on entend susciter une confiance dans l'AGDCN, ainsi que l'adhésion du public à un concept de gestion des déchets.

6.1.2.2 Conseil d'administration et personnel

L'AGDCN devrait être dotée d'un conseil d'administration restreint. Les antécédents et les compétences de ses membres devraient refléter de façon équitable les intérêts des autorités fédérales et provinciales, des compagnies d'électricité et des milieux du génie, des sciences physiques et des sciences sociales, par exemple. Ce conseil d'administration serait chargé d'approuver les politiques et les grandes décisions de l'agence. Le gouvernement fédéral devrait nommer le conseil d'administration et son président en consultation avec les gouvernements des provinces exploitant l'énergie nucléaire.

Le personnel de l'AGDCN devrait être choisi parmi les disciplines socioéconomiques (sans oublier le secteur de la participation et de l'éducation publiques) et technoscientifiques (domaines de l'environnement, de la santé et du génie notamment). Il devrait se limiter au nombre de personnes nécessaires à une gestion et à une coordination efficaces.

Un programme social mûr exigera des compétences et des capacités comparables à celles d'un programme technique, d'où la nécessité de s'assurer que l'on disposera au besoin des ressources nécessaires à un recours approprié afin de pouvoir compter sur un personnel hautement qualifié et spécialisé. La responsabilité de cet effectif sera de veiller à ce que le public soit bien informé des questions essentielles et à ce que l'on fasse valoir les différents points de vue du public dans les débats qui auront inévitablement lieu au gré de l'évolution du programme.

Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada [Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada, Presentation, Phase I, p. 2.]

Le gros des travaux de développement scientifique et social de l'organisme et de son programme opérationnel devrait être exécuté en ayant recours à la sous-traitance. Ceci permettra à l'AGDCN de bénéficier de la grande diversité de compétences dont elle aura besoin tout au long de son existence. L'agence devrait tout particulièrement s'efforcer d'embaucher, de former et de retenir pour les contrats qu'elle adjuge des personnes et des entreprises nordiques, locales ou autochtones.

6.1.2.3 Financement

L'AGDCN devrait être entièrement financée par des contributions proportionnelles versées par les producteurs et les propriétaires de déchets, sans donc qu'il en coûte quoi que ce soit au contribuable en général.

Ces contributions devront être versées dans un fonds distinct faisant l'objet d'une gestion indépendante. Elles devraient venir d'un droit perçu auprès des usagers d'électricité d'origine nucléaire et d'une contribution d'EACL déterminée en proportion des déchets que cette dernière produit. On devrait procéder à une vérification indépendante pour s'assurer que les sommes actuellement perçues suffisent à atteindre l'objectif fixé et que le régime de perception est uniforme en ce qui concerne les compagnies d'électricité.

La Commission devrait recommander que le gouvernement fédéral exige des exploitants de réacteurs nucléaires qu'ils établissent des garanties financières et des fonds réellement séparés en vue de l'acquittement du coût intégral de la gestion et de l'enfouissement des déchets hautement radioactifs. Les prévisions de coût devraient faire l'objet d'un examen public indépendant.

Irene Kock, Nuclear Awareness Project [Irene Kock, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 26 mars 1996, p. 147.]

Le fonds, qui sera doté d'une trésorerie appropriée, doit être suffisant pour permettre à l'agence de couvrir entièrement ses frais pour l'élaboration et la comparaison d'options en matière de gestion de déchets, la sélection d'un site et la conception de l'installation choisie, ainsi que pour la réalisation complète du projet lorsqu'une proposition particulière à un site sera retenue. Il devra également couvrir tous les frais de participation du public et des autochtones, des évaluations environnementales et des mesures d'atténuation et d'indemnisation prises à l'égard des collectivités.

6.1.2.4 Conseil consultatif

Le conseil d'administration, le président et le personnel devraient pouvoir s'appuyer sur un comité consultatif fort et dynamique de quelque 12 à 20 membres. Ceux-ci devraient représenter un large éventail d'intérêts : génie, sciences physiques, santé et sciences sociales; peuples autochtones; travailleurs; organismes de protection de l'environnement; autres organismes du secteur privé; groupements à vocation éthique ou religieuse; Canadiens intéressés; collectivités d'accueil et collectivités touchées (une fois qu'on les connaîtra); organismes internationaux. Ils devraient être nommés par le gouvernement fédéral lorsque le conseil d'administration sera constitué et son président nommé, et ce, d'après les propositions d'organismes professionnels et autres, et notamment de ceux qui ont pris une part active aux audiences de la Commission.

Le conseil devrait se soucier de l'ouverture et de la transparence de l'AGDCN et il devrait avoir une présence particulièrement active dans tout ce qui est participation du public et des autochtones, évaluation environnementale, surveillance, médiation et règlement des différends. Il devrait en outre être étroitement associé à toutes les étapes de l'examen fait par l'organisme sur les options de gestion à long terme.

Les membres du conseil consultatif devraient rencontrer fréquemment le conseil d'administration et le personnel. Le conseil consultatif devrait produire périodiquement des rapports publics.

On devrait aussi envisager de créer un conseil consultatif indépendant qui jouerait dans les questions sociales et éthiques un rôle comparable à celui du Comité technique consultatif d'EACL.

Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada [Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada, Presentation, Phase I, p. 2.]

Je juge très, très important qu'on adjoigne des conseils consultatifs tant à l'organisme de mise en œuvre qu'au gouvernement et que ces conseils aient un caractère multilatéral (intervenants multiples) puisqu'il existe en effet un grand nombre d'intéressés ...

Ken Nash, Ontario Hydro [Ken Nash, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 29 mars 1996, p. 144.]

6.1.2.5 Médiation et règlement des différends

Quel que soit le soin que l'on prenne à établir l'AGDCN et ses méthodes, des différends naîtront vraisemblablement entre l'agence et certains intéressés, et notamment les intervenants de la collectivité d'accueil éventuelle ou des autres collectivités susceptibles d'être touchées. Pour mieux régler ces conflits, on devrait charger une autorité indépendante de recevoir les plaintes, de jouer un rôle de médiateur et, peut-être même, d'arbitrage. Il pourrait s'agir d'un ombudsman ou de quelqu'un qui serait attaché au bureau du Commissaire à l'environnement et au développement durable.

6.1.2.6 Mécanismes de surveillance et responsabilité

Dans le processus visant à obtenir confiance et crédibilité et à établir les responsabilités de l'AGDCN, celle-ci devrait être assujettie à un régime qu'un participant a qualifié de «redondance de mécanismes de surveillance» [Paul Brown, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 29 mars 1996, p. 95.]. L'organisme qui succédera à la CCEA réglementerait les activités de l'agence relativement à la santé humaine, au milieu naturel et à l'établissement de garanties financières suffisantes. Il faudrait cependant que, dans ses actions, ce même organisme soit guidé par l'esprit des règlements, plutôt que par une étroite interprétation de leur respect. L'AGDCN devrait également être assujettie aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information du gouvernement fédéral. De plus, elle doit être dirigée généralement, sur le plan des politiques, par le gouvernement fédéral, en l'occurrence peut-être par les ministres de la Santé et de l'Environnement, en fonction des intérêts publics qu'elle est appelée à promouvoir. Elle devrait en outre être soumise aux examens des bureaux du vérificateur général et du commissaire à l'environnement et au développement durable. Elle devrait enfin soumettre au Parlement un rapport annuel sur ses travaux.

6.1.2.7 Options organisationnelles

L'agence peut avoir deux types de statut avec diverses options intermédiaires. Il peut s'agir d'abord d'une société sans but lucratif, peut-être constituée par les compagnies d'électricité et assujettie à des contrôles de réglementation. Ce type d'entité présente plusieurs avantages. Elle rattacherait la propriété et la responsabilité des déchets aux producteurs, ce qui simplifierait les recours en common law et clarifierait les engagements financiers de ces mêmes producteurs. Une seconde possibilité est la création d'une société d'État ou d'un autre organisme de même nature en vertu d'une loi fédérale. Une telle entité offre d'autres avantages. Ses activités pourraient faire l'objet d'un examen périodique et obéiraient aux mécanismes de surveillance et d'examen public destinés aux activités de l'État. Les liens de responsabilité envers le gouvernement et le Parlement seraient nets. Entre ces deux extrêmes, diverses possibilités s'offrent sur les bases d'une association des secteurs public et privé.

Quelle que soit la structure retenue, on doit énoncer en termes clairs et explicites les objectifs, les responsabilités et les comptes à rendre, que ce soit en vertu d'une loi ou d'une charte de constitution en corporation.

6.1.2.8 Recommandations de la Commission

En prenant en compte les vues exposées par les participants aux audiences publiques et en nous appuyant sur notre propre analyse, nous avons élaboré à l'intention des gouvernements les recommandations de base suivantes en ce qui a trait à un organisme de gestion. Il est ainsi recommandé :

  • qu'une AGDCN soit rapidement créée - comme nous le décrivons dans cette section - sans lien de dépendance avec les compagnies d'électricité ni EACL et avec pour seul objet la gestion et la coordination de tout l'éventail des activités de gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire;
  • que cet organisme soit entièrement financé dans toutes ses activités grâce à un fonds distinct auquel seuls les producteurs et les propriétaires de déchets de combustible nucléaire versent des contributions;
  • que son conseil d'administration, nommé par le gouvernement fédéral, soit représentatif des principaux intervenants;
  • qu'il dispose d'un conseil consultatif solide et dynamique qui représente tout un éventail d'intéressés;
  • que ses objectifs, ses responsabilités et les comptes qu'il doit rendre, plus particulièrement par rapport à la propriété des déchets, soient nettement et expressément indiqués, de préférence dans une loi ou dans son acte constitutif;
  • qu'il soit assujetti à de multiples mécanismes de surveillance, et notamment à un contrôle réglementaire fédéral de ses travaux techno-scientifiques et du bien-fondé de ses garanties financières, à une direction fédérale sur le plan des politiques et à des examens publics réguliers, de préférence de la part du Parlement.

6.1.3 Examen public des textes de réglementation de la CCEA

Une autre mesure à prendre à l'étape I est un examen public des textes de réglementation de la CCEA relatifs à la gestion des déchets de combustible nucléaire. Il faut replacer les questions de risque et de sûreté dans un contexte social, de sorte que les personnes puissent prendre des décisions en fonction non seulement de facteurs techniques et scientifiques, mais aussi en fonction des valeurs de la société. Une partie essentielle de ce processus est représentée, soit de façon explicite ou implicite, dans des règlements qui déterminent si l'organisme chargé de la réglementation jugera une installation acceptable. Ainsi, de tels règlements ont à la fois une dimension technique et sociale. Comme l'a fait remarquer la CCEA, les critères énoncés dans les textes de réglementation qui s'appliquent (R-71, R-72, R-90 et R-104) «tentent d'incarner non seulement les considérations techniques, mais aussi des considérations sociales et éthiques bien plus larges» [Commission de contrôle de l'énergie atomique, Atomic Energy Control Board Criteria: Request for Supplementary Information from Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel, Ottawa, Commission de l'énergie atomique du Canada, document joint à une lettre de J.G. McManus à J.B. Seaborn, 5 février 1993), p. 3.], notamment les questions de responsabilité intergénérationnelle, la prise en compte des valeurs sociales actuelles dans l'établissement de limites quantitatives des risques et la prise en compte simultanée des enjeux sociaux et techniques.

Les textes de réglementation définissent les exigences auxquelles doivent répondre divers types d'installations de stockage des déchets de combustible nucléaire. Ils tiennent donc une place primordiale dans les critères par lesquels on juge la sûreté et l'acceptabilité. Toutefois, un certain nombre de participants aux audiences estimaient que, aux fins de l'établissement de ces critères, la consultation sociale n'avait pas en réalité été suffisante et que les exigences ne cadraient pas non plus avec la réglementation d'autres types de contaminants. Après avoir comparé les critères réglementaires de gestion des déchets de combustible nucléaire et d'autres déchets (voir la section 2.2.1 et l'annexe J) la Commission pense qu'il serait souhaitable d'élaborer des méthodes communes d'évaluation et de gestion des risques ainsi que des critères de risque acceptés par le public de sorte qu'un jugement équitable puisse être porté sur les risques relatifs.

À mon avis, le R-104 en soi et son élaboration et son acceptation en 1987 lorsqu'on n'avait reçu que neuf commentaires du public ne répondent pas aux critères de participation du public. Je pense que l'on doit s'interroger sur le genre de travail scientifique qui a été fait, sur l'examen par les pairs dont ce travail a fait l'objet, et ainsi de suite. Pour moi, si le R-104 ne peut lui-même répondre aux critères, peut-il constituer un point de repère approprié pour l'évaluation du concept d'EACL ou de tout autre projet à l'évaluation duquel on puisse l'employer?

Brennain Lloyd, Northwatch [Brennain Lloyd, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 27 mars 1997, p. 169.]

La CCEA devrait envisager de concevoir et de mettre en oeuvre un processus plus efficace de consultation du public pendant l'élaboration de normes de réglementation. Le plus souvent, les gens sont peu nombreux à faire des observations écrites pendant le délai de consultation de 90 jours que se fixe actuellement la CCEA. Ce processus ne permet pas d'atteindre l'objectif de la CCEA d'assurer une participation efficace du public. Il ne donne pas non plus au public l'assurance que la CCEA a mis les considérations techniques de risque et de sûreté dans un contexte sociétal.

Recommandation de la Commission

Comme il est important à des fins d'acceptabilité que l'organisme de réglementation soit digne de confiance, nous recommandons que la CCEA conçoive et mette en place un mécanisme plus efficace de consultation du public pendant l'élaboration de normes de réglementation et qu'elle entreprenne un examen public de tous les textes de réglementation qui s'appliquent en s'appuyant sur ce processus et sur la nouvelle Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.

Cet examen devrait débuter immédiatement pour que les textes réglementaires révisés puissent influer sur l'établissement et la comparaison d'options à l'étape II. Il est toutefois possible que ces documents doivent aussi être révisés à la lumière du cadre d'évaluation éthique et social qui sera établi plus tard à l'étape II. La Commission ne veut pas être trop prescriptive, mais un certain nombre de questions qui ressortent des audiences devraient être mûrement examinées à l'occasion de l'étude de textes de réglementation. Ces points sont énumérés à l'annexe P. De plus, la Commission souhaite mettre en relief un point d'intérêt primordial, à savoir les exigences du texte de réglementation R-104 en matière d'analyse de scénarios d'exposition.

6.1.3.1 Élaboration et analyse de scénarios

Lorsqu'on a discuté aux audiences de ce qui constitue des «pires scénarios» raisonnables pour la libération de radionucléides du combustible usé, on a pu voir qu'il existait un lien important entre les points de vue techniques et sociaux sur la sûreté. Le public est très préoccupé par cette question. Sa confiance dans les conclusions tirées de l'analyse de tels scénarios dépendra en partie de l'importance de sa participation à la définition des cas à analyser. Un certain nombre de participants ont dit qu'il est fort difficile de définir des «pires scénarios», puisqu'il est toujours possible d'imaginer des événements encore plus extrêmes. La Commission reconnaît cette difficulté, mais croit que le public peut trouver un juste milieu entre la prudence et le réalisme dans la définition des événements.

De plus, certains participants pensaient que la pratique courante consistant à tenir compte des probabilités d'un événement dans le calcul de son risque ne s'accordait pas avec les préoccupations du public. Celui-ci a tendance à s'attacher aux conséquences potentiellement graves d'événements extrêmes, plutôt qu'à leurs faibles probabilités d'occurrence. Ainsi, on devrait consulter les publics concernés pour être sûr qu'ils comprennent et acceptent les méthodes proposées d'analyse et la façon dont des conclusions seront tirées des résultats.

Conclusion de la Commission

Une participation libre et bien annoncée du public à la définition des événements extrêmes préoccupants et des méthodes d'analyse de ces événements constitue un préalable si l'on veut que tout le monde accepte que les questions de sûreté publique ont été examinées à fond.

Cet avis s'applique non seulement à l'examen des textes de réglementation de la CCEA, mais aussi pour l'élaboration par l'AGDCN des diverses options et d'un plan de participation publique à l'étape II et pour l'évaluation d'une conception particulière à un site à l'étape III.

6.2 Étape II : Acceptation du concept

À l'étape de l'acceptation du concept, on vise à établir quel concept de gestion des déchets de combustible nucléaire convient le mieux au grand public. L'AGDCN devrait établir et comparer des options, y compris un concept modifié de stockage permanent d'EACL, dans le contexte d'un cadre d'évaluation éthique et social, des textes de réglementation révisés de la CCEA et des considérations techniques qui entrent en jeu. Pour pleinement associer le public à l'exercice, l'AGDCN devrait concevoir et mettre en oeuvre un plan de participation du public. En outre, les consultations engagées auprès des autochtones à l'étape I devraient se poursuivre tout au long de l'étape II. La Commission prévoit que cette dernière durera environ deux ans.

6.2.1 Processus de participation du public

Comme on le dit ailleurs dans ce rapport, la Commission juge minces les chances de trouver un concept et un ou plusieurs sites acceptables si l'on n'a pas associé tôt et systématiquement le public à tous les aspects de la gestion des déchets de combustible nucléaire. Une vaste participation du public canadien doit faire partie intégrante de toutes les mesures et processus que nous décrirons dans la suite de ce chapitre. Pour ce faire, l'AGDCN doit concevoir et appliquer un plan d'information et de communication publiques. Quoique bien intentionnées, les stratégies antérieures de participation du public ne semblent pas avoir été efficaces parce qu'une partie appréciable du public n'avait confiance ni dans l'industrie nucléaire ni dans l'organisme de réglementation. La création de l'AGDCN offre de nouvelles possibilités. C'est pourquoi cette agence devrait constituer un groupe complet de professionnels de la communication et de l'éducation des adultes, qui collaboreront avec d'autres professionnels intéressés et le public à l'élaboration et à la direction du plan. Ce groupe aura pour tâche primordiale de recommander des méthodes de consultation du public et des critères de mesure de l'adhésion du public. L'AGDCN se reportera à ces points de repère au moment de décider des options à recommander.

Le Comité mixte considère que, pour mettre en place un système de gestion et de stockage permanent à long terme des déchets de combustible nucléaire au Canada, l'organisme de mise en œuvre devra accorder la priorité à la création d'un groupe connaissant les questions d'enseignement public et les modes de participation du public.

Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada [Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada, Presentation, Phase I, p. 2.]

Recommandation de la Commission

Les gouvernements devraient ordonner à l'AGDCN d'élaborer un plan complet de participation du public.

6.2.1.1 Plan d'information et de communication

Le plan devrait prévoir un processus interactif permanent entre les citoyens et l'AGDCN, qui agirait à titre de promoteur. Il devrait comporter deux éléments importants, soit l'information et la communication.

Le plan devrait viser à :

  • s'assurer que le public connaisse et maîtrise les questions de gestion des déchets de combustible nucléaire au Canada et que cette même gestion est en accord avec l'évolution des priorités du public, compte tenu en particulier du facteur de peur relatif aux questions nucléaires;
  • susciter et entretenir la confiance dans l'AGDCN et dans les milieux scientifiques sur une longue période;
  • atteindre une acceptation collective éclairée à tout stade du déroulement de l'exercice.

La participation du public doit être complète et crédible dans la mise en oeuvre des étapes futures et des mesures à prendre. Il est donc nécessaire que le public accepte le plan avant qu'il ne soit mis à exécution.

Comme partie importante de ce plan, on devrait établir une structure de prise de décision qui décrit clairement, étape par étape, comment se dérouleront les processus futurs, quelles décisions seront prises et par qui et en utilisant quels renseignements, et quand le public, la collectivité d'accueil éventuelle ou les collectivités touchées seront en mesure de participer ou de contribuer aux décisions. On devrait définir en particulier les fonctions et les responsabilités des provinces dans les prises de décision. L'AGDCN doit communiquer ces indications à tous les intéressés pour qu'ils sachent à quoi s'attendre.

6.2.1.2 Principes et procédures d'élaboration et d'application
  • Tout au long du processus, on doit rendre l'information accessible au public d'une manière qui convient aux divers milieux.
  • En mettant en lumière les éléments tant d'incertitude que de certitude dans l'information communiquée, on pourra mieux susciter une confiance et rendre l'AGDCN plus crédible.
  • On devrait structurer l'information et la communication pour assurer une véritable interaction entre la ou les populations touchées et l'AGDCN.
  • À l'étape III, le public, la collectivité d'accueil et les collectivités touchées éventuelles devront avoir accès à des compétences dans les disciplines scientifiques et des sciences sociales, d'où la nécessité de disposer d'un programme d'aide financière aux participants.
  • L'AGDCN devrait se doter d'une structure de gestion professionnelle de la communication pour répondre aux divers besoins régionaux et locaux. On devrait prévoir des outils de communication pour activer et soutenir des groupes de travail représentant tous les milieux intéressés : groupes marginalisés ou non organisés, administrations locales, collectivités et groupes d'intérêts.
  • L'AGDCN devrait s'attacher tout particulièrement à faire participer les médias régionaux et locaux, car ceux-ci ont un grand rôle à jouer dans la réalisation d'un programme de communication interactive.

6.2.2 Élaboration d'options

Comme on l'a exposé aux sections 2.2.3 et 4.3, la capacité de faire un choix éclairé parmi diverses options de gestion des déchets de combustible nucléaire constitue un important facteur d'acceptabilité. C'est pourquoi l'AGDCN doit commencer à réunir des données comparatives sur les risques, les coûts et les avantages d'un certain nombre d'options réalisables, et notamment d'une version modifiée du concept d'EACL. Il serait certes idéal de disposer d'autant d'informations sur les autres possibilités que sur ce concept, mais cela serait à la fois peu pratique et inutile.

... Il y a 15 ans, on croyait qu'il était impossible d'évaluer convenablement les risques de plusieurs possibilités, car on pensait que, pour que l'exercice soit crédible et professionnel, il fallait porter cette évaluation au niveau atteint par EACL, ce qui représente une somme formidable de travail. Ce que nous avons découvert par la suite, c'est qu'il est possible de sélectionner les solutions de rechange par des critères de risque, un cadre moral et éthique et des considérations de sélection intergénérationnelles... On peut alors réduire à loisir le nombre d'options de stockage permanent. . .

Stella Swanson, Golder Associés [Stella Swanson, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 15 mars 1996, p. 193-194.]

Recommandation de la Commission

Les gouvernements devraient ordonner à l'AGDCN d'élaborer des options réalisables de gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire au Canada avec notamment les scénarios suivants : version modifiée du concept de stockage permanent en formations géologiques profondes d'EACL, stockage provisoire au site des centrales nucléaires et stockage temporaire centralisé en surface ou en profondeur. Si d'autres possibilités devenaient techniquement et économiquement réalisables, on devrait également les prendre en considération. Les gouvernements devraient en outre demander à l'AGDCN de suivre de près les progrès dans le monde entier sur les diverses options de gestion des déchets de combustible nucléaire.

Dans sa recommandation précédente, la Commission a énuméré les options que, à son avis, l'AGDCN devrait examiner. Ainsi, elle a retenu la solution d'un stockage permanent en formations géologiques profondes d'après le concept d'EACL pour les raisons suivantes : c'est l'option de recherche qui est privilégiée techniquement sur le plan international; on a déjà consacré de grands efforts à sa réalisation; elle est conforme à la réglementation actuelle. Toutefois, les autorités d'autres pays songent de plus en plus à un stockage provisoire centralisé comme élément d'un programme de gestion des déchets de combustible nucléaire, et ce, parce que le public acceptera peut-être plus volontiers une installation qui se prête au départ à une surveillance de longue durée et à une récupération des déchets stockés. Nous avons également recommandé que l'AGDCN envisage le stockage provisoire au site des centrales nucléaires. On considère déjà les modes actuels de stockage provisoire, qui seraient à modifier en prévision d'une application de très longue durée, comme étant en général sûrs, économiques et acceptables. Ils permettraient également de réduire au minimum le transport de déchets de combustible nucléaire. Nous évoquons à l'annexe L certains des avantages et des inconvénients propres aux diverses possibilités qui s'offrent.

L'AGDCN devrait non seulement réunir des données comparatives sur les options, mais aussi trouver des solutions à certaines questions techniques et sociales qui jouent un rôle important dans la création et la détermination de l'acceptabilité d'un concept. En ce qui a trait au concept de stockage permanent d'EACL, la Commission croit que l'on doit mettre au point et appliquer de meilleures techniques de surveillance et de récupération sûres pour la postfermeture. Grâce à ces modifications, on pourrait non seulement assurer le degré de sécurité nécessaire à l'obtention de la confiance du public, mais on s'acquitterait aussi de l'obligation où l'on se trouve de trouver un juste milieu entre la minimisation des responsabilités imposées aux générations à venir et la maximisation des choix.

... on devra longtemps surveiller de près le fonctionnement de tout dépôt initial de cette importance pour voir si les prévisions techniques se vérifient. Il est très prétentieux de notre part de penser que l'installation se comportera nécessairement comme nous le prévoyons pour l'essentiel... Nous recommandons également d'étudier la récupérabilité, la réinstallation et même le déplacement des déchets comme mesure à prendre au besoin en cas de découvertes géologiques d'importance ou de graves difficultés techniques.

Comité sur les aspects géoscientifiques du stockage permanent des déchets de combustible nucléaire du Conseil géoscientifique canadien [Conseil géoscientifique canadien, Comité des aspects géoscientifiques du stockage permanent des déchets de combustible nucléaire, Review of the AECL Environmental Impact Statement, p. 10-12.]

Nous sommes d'avis que le degré d'incertitude au sujet du fonctionnement éventuel du système de stockage permanent est si élevé que le public devrait avoir l'assurance que nous pouvons constamment surveiller toute fuite des conteneurs en vue de l'adoption de mesures correctives au besoin... S'il y a fuite, nous voulons le savoir avant que les contaminants ne risquent de s'échapper de l'installation souterraine... Nous convenons que, pour l'instant, on ne sait pas au juste quelle forme pourrait prendre un système «non invasif» de surveillance permanente du milieu qui environne les conteneurs. Nous sommes ainsi portés à croire qu'on ne dispose pas encore de la technologie capable de nous fournir, par une surveillance de longue durée, le degré de sécurité par lequel le public se fiera à un système de stockage permanent.

Ann Coxworth, Saskatchewan Environmental Society [Ann Coxworth, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 20 novembre 1996, p. 103-104 et 108.]

La question de la surveillance des installations après leur fermeture est difficile du point de vue technique et social. La question que toute hypothèse de sûreté sensée puisse convenir pour la surveillance après fermeture peut faire l'objet d'un débat. Le système de dépôt devrait évoluer très lentement et il n'y a pas de paramètres de performance qui puissent très clairement être mesurés et aussi dépendants de la sûreté évidente. Toutefois, il peut y avoir une demande sociale pour un certain type de surveillance à respecter... La nécessité et les exigences relatives à la surveillance après fermeture doivent être considérées davantage dans tous les pays et, si l'on considère qu'il s'agit là d'une marche à suivre souhaitable, les modèles et la technologie devraient être développés davantage.

Groupe d'examen de l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques, Groupe d'examen de l'Agence pour l'énergie nucléaire, Évacuation des déchets de combustible nucléaire du Canada, p. 20 et 23.]

À ce stade, l'AGDCN doit également concevoir des méthodes de modélisation et évaluer la disponibilité de sites. Ces éléments portant sur des critiques du concept d'EACL, mais ils s'appliquent à toutes les options. De l'avis de la Commission, on devrait recourir aux meilleures techniques de modélisation prévisionnelle dont on dispose et ces techniques devraient être homogènes entre les options. Plus précisément, la Commission est persuadée de la nécessité de soumettre les modèles à un examen critique et à une mise à jour avec des apports extérieurs importants et transparents. Qui plus est, l'AGDCN devrait établir des critères techniques et sociaux provisoires de sélection de site ainsi que des estimations optimales de la disponibilité de sites pour les diverses options en fonction de ces mêmes critères. On pourrait ainsi mieux comparer les possibilités et prendre des décisions sur le concept le plus acceptable de gestion des déchets.

6.2.3 Élaboration d'un cadre d'évaluation éthique et social

Pour évaluer l'acceptabilité aux yeux du grand public, l'AGDCN doit mesurer les options de gestion des déchets de combustible nucléaire non seulement d'après les critères techniques, mais aussi en fonction des valeurs qui prédominent dans la société canadienne. Pour délimiter ces valeurs, elle devrait faire appel (par mesure d'embauchage ou recours à la sous-traitance) à un groupe d'éthiciens et de spécialistes des sciences sociales qui établirait un cadre d'évaluation en consultant le public. À en juger par ce qui a été dit aux audiences, ce cadre devrait comporter des questions d'ordre éthique comme celles dont nous avons parlé au chapitre 4 et celles que nous énumérons ci-après, dans le contexte de la gestion des déchets de combustible nucléaire et de l'intégration de ces mêmes questions aux décisions prises en matière de politique :

  • droits et devoirs de la génération actuelle et des générations futures;
  • responsabilités en matière d'environnement et d'intégrité écologique;
  • droits collectifs et individuels;
  • besoins de minorités importantes qui pourraient s'exposer à des risques contre leur gré;
  • possibilité pour la population d'entendre les divers points de vue de différentes écoles de pensée dans les discussions devant précéder les décisions à prendre;
  • risques que l'on doit prendre, compte tenu des probabilités de préjudice;
  • méthodes pour obtenir le consentement collectif;
  • récupérabilité ou irrécupérabilité des déchets et quelle option est préférable [Les trois derniers points sont une reformulation des renseignements émanant de Hardy Stevens and Associates, Moral and Ethical Issues, citation dans Anna Cathrall et autres, A Report to the FEARO Panel, Volume 2, p. 26-27.].

Ce cadre comporterait également des questions et des priorités d'ordre social et écologique comme les suivantes :

  • critères sociaux de sélection de site comme la valeur attachée aux éléments du patrimoine culturel et des écosystèmes;
  • accord entre les options et les politiques canadiennes de gestion des déchets dangereux, de protection de l'environnement et de développement durable;
  • effets sur l'image des collectivités, leur vitalité économique, leur développement et leur cohésion sociaux et leurs liens avec le territoire;
  • compromis à faire sur le plan des territoires possibles d'implantation de l'installation, des ressources naturelles touchées, des avantages et des inconvénients économiques et des controverses sociales;
  • nécessité d'intégrer un projet pilote à l'exercice d'évaluation d'options de gestion des déchets;
  • responsabilité civile en cas d'accident;
  • rapport efficacité-coût.

Nous voudrions faire valoir auprès de la Commission et des milieux universitaires en général que (comme il ressort de cet examen), nous avons à peine effleuré les thèmes philosophiques évidents, et encore moins donc leurs liens complexes avec les aspects sociaux, distributifs, psychologiques et autres du dossier des déchets de combustible nucléaire.

Anna Cathrall, Mary Lou Harley, Brenda Lee et Peter Timmerman, Canadian Coalition for Ecology, Ethics, and Religion [Anna Cathrall et autres, A Report to the FEARO Panel, Volume 2, p. 30.]

Aucun cadre unique ne saurait convenablement saisir toutes les valeurs sociales d'intérêt sur une longue période, car les systèmes de valeurs évoluent et de nouvelles générations apparaissent. Étant donné le lointain horizon temporel de l'application d'un concept de gestion des déchets de combustible nucléaire, l'AGDCN devrait concevoir une démarche progressive d'évaluation. Ce processus permettrait à la génération actuelle et aux générations futures de réévaluer périodiquement l'acceptabilité de ce concept suivant les valeurs et les priorités de l'heure, et de faire les choix voulus lorsque les décisions seront prises.

Nous savons que, en vertu de son mandat, la Commission doit voir dans quelle mesure nous devrions soulager les générations à venir du fardeau de veiller sur les déchets. Pour certains participants, cette tâche ne représentait pas un fardeau, mais l'occasion pour les générations futures de faire des choix appropriés en toute responsabilité dans un cadre éthique et social. C'était en somme les rendre maîtres des décisions qui influent sur leur vie. C'était donc une façon de conserver la confiance du public. En ce sens, un processus progressif d'évaluation n'était pas considérée comme un fardeau, même si une gestion plus attentive se révélait nécessaire. Toutefois, aux yeux de la Commission, cela ne devrait pas empêcher la génération actuelle d'exercer son droit et sa responsabilité d'agir dans ce domaine. On doit trouver un juste équilibre entre les droits de la génération actuelle et ceux des générations à venir.

Le fardeau d'une responsabilité imposée peut être un moindre mal si l'autre solution consiste à imposer un danger sans la possibilité de le combattre. L'option de surveillance ou de récupération donne aux générations futures des possibilités qu'elles n'auraient pas autrement. La responsabilité est certes une charge, mais il faut aussi dire qu'elle est plus que cela.

Peter Miller, Université de Winnipeg [Peter Miller, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 12 mars 1996, p. 200.]

Entre autres points, il y a la question de l'incidence qu'aura le programme sur les générations, les régions, les races et les revenus. On insiste beaucoup sur la responsabilité que l'on a de ne pas imposer aux générations à venir de trouver une solution au problème des déchets que l'on produit aujourd'hui. Le Comité mixte accepte ce principe général, mais fait aussi valoir la nécessité de conserver une certaine souplesse pour tenir compte de l'évolution des solutions au problème du stockage permanent et des points de vue sur la valeur et l'utilité futures des déchets de combustible nucléaire. Les déchets de combustible nucléaire constituent-ils réellement à l'heure actuelle un problème urgent que l'on doit rapidement solutionner? Et même s'il en était ainsi, le concept d'EACL est-il nécessairement la meilleure solution?

Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada [Comité mixte de l'Académie canadienne du génie et de la Société royale du Canada, Presentation, Phase I, p. 5.]

Recommandation de la Commission

Les gouvernements devraient ordonner à l'AGDCN d'élaborer un cadre d'évaluation éthique et social.

6.2.4 Considérations techniques

Il va de soi que de nombreux facteurs scientifiques et techniques doivent entrer en ligne de compte dans la conception de tout mode de gestion des déchets de combustible nucléaire. Entre autres questions, mentionnons le choix de bonnes méthodes de modélisation et d'analyse, l'évaluation de la sûreté d'un point de vue technique et les considérations d'efficience et de coût. Toutefois, comme on l'indique à la figure 6, il ne faut pas développer de telles considérations techniques isolément, mais se laisser en outre guider par des considérations éthiques et sociales de manière à fournir un cadre global d'évaluation des diverses possibilités de gestion des déchets de combustible nucléaire.

6.2.5 Comparaison des options en vue du choix de la solution la plus acceptable

Une fois le cadre établi au terme de toutes les étapes que nous venons de franchir, l'AGDCN devrait soumettre à un examen public les options de gestion des déchets de combustible nucléaire. Elle recommandera au gouvernement des façons de mesurer le vaste appui du public nécessaire pour passer à l'étape III. On pourrait songer à des méthodes comme un sondage, un référendum, le recours à un groupe d'experts ou à un comité parlementaire tenant des audiences publiques. On devrait comparer les possibilités et les territoires proposés d'implantation d'une installation d'après :

  • les textes de réglementation révisés de la CCEA;
  • le cadre d'évaluation éthique et social avec examen des risques, des coûts et des avantages;
  • les considérations techniques;
  • le degré d'acceptation par les peuples autochtones et le public en général.
Recommandation de la Commission

Les gouvernements devraient ordonner à l'AGDCN de comparer les risques, les coûts et les avantages d'options réalisables de gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire. L'agence devrait indiquer au public les options et les territoires possibles d'implantation d'une installation de façon suffisamment détaillée pour que les gouvernements puissent ensuite faire un choix éclairé traduisant les préférences du public. Il faut décrire en termes formels et explicites les moyens par lesquels les gouvernements tiendront compte des préférences du public.

6.3 Étape III : Acceptation d'un projet

L'objectif de l'étape d'acceptation d'un projet est de déterminer si une application particulière à un site et à un plan de conception de l'option retenue à l'étape II est acceptable, non seulement pour le grand public, le gouvernement et l'organisme de réglementation, mais plus particulièrement pour la collectivité d'accueil éventuelle et pour les autres collectivités directement touchées. À cette fin, l'AGDCN entreprendrait un processus de sélection du site et de conception de l'installation dont le point culminant sera la tenue d'audiences publiques et une décision définitive quant à l'acceptabilité du projet.

Au terme de l'étape II, si l'on choisit le concept de stockage permanent d'EACL comme celui qui convient le mieux à la gestion des déchets de combustible nucléaire, il faudra qu'on poursuive l'élaboration au-delà de ce que peut exiger une comparaison des options. Ceci devrait se faire avant que l'AGDCN ne procède à la sélection d'un site et à la conception d'une installation.

Recommandation de la Commission

Si l'on retient le concept d'EACL comme le plus acceptable à la fin de l'étape II, les gouvernements devraient ordonner à l'AGDCN ainsi qu'à Ressources naturelles Canada et à la CCEA (ou à l'organisme qui lui succédera) : d'examiner toutes les faiblesses sociales et techniques constatées par le GES et les autres participants à l'examen, d'en établir la priorité et de dresser un plan destiné à y remédier. L'AGDCN devrait rendre ce plan public, solliciter les opinions du public et enfin de mettre le plan à exécution.

6.3.1 Sélection d'un site et conception d'une installation

La Commission pourra aussi recueillir des données en vue de l'établissement de critères généraux pour le choix de sites en plus d'examiner d'une façon très générale les coûts et bénéfices qui en résulteraient pour les communautés éventuelles où le site serait situé.

Mandat

Le processus proposé dont nous décrivons les grandes lignes dans cette section s'appliquerait si le concept de stockage permanent d'EACL était retenu au terme de la deuxième étape. De nombreux aspects pourraient également s'appliquer au choix d'un site pour un autre type d'installation centrale de stockage permanent ou provisoire ou de traitement, voire pour le stockage provisoire décentralisé au site des centrales. Toutefois, le processus peut se révéler incompatible avec ceux susceptibles de convenir aux peuples autochtones. C'est pourquoi l'AGDCN doit tenter de rapprocher ces deux optiques.

EACL a proposé que tout organisme de gestion des déchets soit engagé vis-à-vis des principes de sûreté, de protection de l'environnement, de volontariat, de concertation dans le processus de prise de décision, de transparence et d'équité tout au long de la sélection d'un site et de la mise en œuvre du concept. La Commission reconnaît l'intérêt de ce travail et en félicite EACL, mais précise que, pour un certain nombre de ses membres et de participants parmi le public, l'exercice n'était pas assez détaillé ni spécifique. Aussi la Commission a-t-elle jugé bon d'élargir les principes d'EACL et d'intégrer d'autres critères à un processus proposé de sélection de site.

Dans l'EIE, EACL a exposé les aspects techniques de la disponibilité éventuelle de sites appropriés dans le Bouclier canadien, ainsi qu'une méthodologie de caractérisation des sites. Ces éléments sont brièvement décrits à la section 3.3.1 du présent rapport. Nous émettons des réserves sur le fait qu'EACL ait suffisamment démontré que des sites techniquement appropriés étaient disponibles. En règle générale, nous sommes d'accord avec la proposition d'EACL sur les méthodes de caractérisation technique de site, mais nous tenons également à suggérer des moyens d'associer le public à l'établissement de critères de sélection de site.

6.3.1.1 Considérations essentielles

Il y a trois considérations essentielles dans un processus de sélection de site :

  • D'abord, on doit toujours respecter ses engagements vis-à-vis des principes de sûreté, de santé et de protection de l'environnement. Si le choix d'un site va à l'encontre de ces principes, on doit le rejeter.
  • En second lieu, on ne devrait pas entreprendre de chercher un site dans des zones qui ne répondent pas aux critères fondamentaux de sélection de site au point de vue social et technique.
  • Enfin, un public informé doit aider à établir les processus de prise de décision dès les premiers stades et tout au long du projet. Si l'on veut gagner la confiance du public, l'AGDCN doit s'engager dans un vaste programme équilibré et permanent de communication, d'éducation et d'information interactives du public.

Il y a des leçons à tirer des processus de sélection de site pour des installations de gestion de déchets dangereux qui, dans certains cas, ont donné les résultats escomptés. Ces études font voir l'importance d'établir la crédibilité d'un organisme par une authentique volonté des décideurs de faire participer la population, par la conception de méthodes en vue d'un échange d'information et d'un dialogue public efficaces sur les questions à l'étude, par la promotion de l'équité dans la répartition des risques, par le partage des avantages du projet (en partie par une indemnisation des collectivités qui assument les risques) et par l'adoption de mesures d'atténuation et de contrôle prévoyant l'application de normes strictes de sûreté et un rôle important des citoyens dans les décisions de surveillance et d'exploitation des installations.

Michael Kraft,

Université du Wisconsin à Green Bay [Michael Kraft, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 27 mars 1996, p. 112-113.]

6.3.1.2 Principes et précautions

L'expérience de la sélection d'installations de déchets en tout genre, et notamment des installations de gestion de déchets dangereux, nous enseigne que le public s'inquiète tout autant du processus de sélection d'un site adopté que de la sûreté technique de l'installation. Les aspects socioéconomiques de cette sélection sont inextricablement liés aux aspects techniques.

L'expérience des processus réussis de sélection de site au Canada nous montre que la réflexion qui préside à la conception de ce processus, la stratégie de participation et de communication du public et les considérations socioéconomiques influent grandement sur les chances globales de réussite. Le plus important choix porte sur la conception de la marche à suivre pour obtenir les autorisations.

David R. Hardy,

Hardy Stevenson and Associates Limited [David R. Hardy, "High-level Radioactive Waste Siting Processes: Critical Lessons from Canadian Siting Successes," Proceedings of the 1996 International Conference on Deep Geological Disposal of Radioactive Waste, p. 10-18.]

Le processus de sélection d'un site doit donc être conforme aux principes et aux précautions provenant de diverses sources (D. Hardy, K.R. Ballard et R.G. Kuhn [Voir la mention précédente et K.R. Ballard et R.G. Kuhn, "Testing Community Empowered Siting for Canadian Nuclear Waste," Proceedings of the 1996 International Conference on Deep Geological Disposal of Radioactive Waste, p. 10-1-10-20.] et participants à l'examen).

  • Si une collectivité permet un examen de sites possibles sur son territoire, ce n'est pas dire qu'elle s'engage définitivement à recevoir une installation.
  • Aucune collectivité n'accueillerait une installation contre son gré. Une collectivité d'accueil éventuelle doit conserver le droit de se retirer du processus de sélection tant qu'une entente irrévocable n'a pas été signée. Elle doit également se réserver le droit de décider dès les premiers stades comment cette décision finale sera prise. Une simple majorité n'indiquerait pas nécessairement qu'une installation est acceptée.

... Deep River comme toute collectivité où s'applique le principe du volontariat avait le droit de se retirer du processus en tout temps... Il lui a été possible de rester par choix dans le processus jusqu'à la décision définitive, car elle demeurait maîtresse de ses destinées, ne laissant aucun autre organisme décider pour elle.

John Murphy, maire de la municipalité de Deep River [John Murphy, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 2 mai 1996, p. 14.]

  • L'AGDCN devrait négocier avec la collectivité d'accueil éventuelle pour lui offrir un avantage net en rapport avec la contribution qu'elle apporte à la solution du problème.
  • Dès le début, l'AGDCN collaborerait avec la collectivité à l'élaboration de propositions de surveillance et d'indemnisation en vue de faire un suivi et de compenser les effets néfastes inévitables, de gagner la confiance du public et d'améliorer les avantages locaux. Ces propositions s'ajouteraient à toutes les mesures raisonnables de réduction ou d'atténuation des effets néfastes. Les parties examineraient entièrement ce programme avant de mettre au point l'entente.
  • Même si une collectivité informée consent librement à accueillir une installation, la construction ne commencerait pas avant que l'on ait démontré que les normes de sûreté, de santé et de protection de l'environnement fixées par l'organisme de réglementation peuvent être respectées et appliquées.
  • On devrait prévoir des délais suffisants pour que les citoyens puissent comprendre les conséquences techniques, sociales et écologiques de la réalisation du projet avant que les décisions définitives ne soient prises.
  • Dès le début, les parties s'entendraient sur des processus de règlement et d'arbitrage des conflits et trouveraient des façons de tenir compte des avis minoritaires importants dans les prises de décision.
  • L'AGDCN supporterait les frais liés aux éléments suivants : accès pour la collectivité d'accueil éventuelle et les collectivités touchées aux services d'un facilitateur communautaire et de spécialistes des sciences sociales (comme nous le recommandons dans ce rapport); recours à des conseillers indépendants en matière sociale, technique et écologique (en vue d'examens par les pairs des propositions finales pour le compte des collectivités en question), ainsi qu'à tout travail du groupe de liaison communautaire (GLC) en ce qui concerne les processus de participation du public institués à l'intention de ces mêmes collectivités (voir la description du GLC à la section 6.3.1.6).
6.3.1.3 Critères de sélection de site et de transport

D'abord, l'AGDCN et son conseil consultatif proposeraient et annonceraient les critères de sélection d'un site et d'itinéraires de transport. Ceux-ci permettraient de juger si une région se prête à l'implantation d'une installation. En se fondant sur les renseignements techniques et sociaux existants ou immédiatement disponibles, on appliquerait ces critères pour juger des caractéristiques que doit présenter une région. Celles-ci comporteraient des éléments d'acceptabilité sociale, écologique et technique aux fins de la sélection d'un site. Les critères de sélection devraient porter sur les aspects suivants :

  • géologie, hydrogéologie, topographie et sismicité;
  • occupation actuelle et future du sol (agriculture, exploitation forestière, extraction (ressources naturelles, terres publiques et territoires des autochtones);
  • régions écologiquement sensibles (parcs, habitats d'espèces menacées);
  • régions d'intérêt social (sites récréatifs et archéologiques, zones d'intérêt culturel, spirituel ou historique);
  • régions protégées par la législation ou la réglementation.

Le promoteur, peu importe de qui il s'agit, devrait être encouragé à développer rapidement un processus de sélection et d'évaluation préliminaire dans lequel on considérerait à la fois les facteurs techniques et sociaux ainsi que leur interrelation, et à établir des mécanismes de sélection préliminaire sur le terrain que l'on pourrait appliquer dès le début du processus de sélection.

Personnel de la Commission de contrôle de l'énergie atomique [Personnel de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, Sommaire de la réponse du personnel de la CCEA, p. 7.]

Les critères de choix d'itinéraires de transport porteraient sur les aspects suivants :

  • disponibilité et convenance des infrastructures en place;
  • sécurité des infrastructures existantes ou nouvelles dans des conditions météorologiques variables;
  • infrastructures de services le long des itinéraires pour utilisation normale et en cas d'accident;
  • effets socioéconomiques sur les collectivités touchées;
  • incidence sur l'environnement et la faune et évitement des zones sensibles.

Les critères proposés de sélection d'un site et d'itinéraires de transport devraient être soumis au grand public. L'AGDCN devrait s'attacher tout particulièrement aux intérêts et aux préoccupations de certaines populations (en région éloignée ou nordique, en territoire autochtone ou dans des zones d'aménagement), ainsi qu'aux effets éventuels sur le milieu où vivent ces populations. Elle devrait recourir à un processus structuré et accepté par tous les intéressés afin de consulter les intervenants principaux pour l'établissement de ces critères. Elle devrait solliciter les opinions des autorités fédérales et provinciales, des peuples autochtones, des organismes de réglementation, des collectivités qui accueillent déjà des installations nucléaires, des collectivités nordiques et des participants aux audiences publiques de la Commission. Une fois acceptés, les critères seraient appliqués par l'AGDCN aux territoires possibles d'implantation d'une installation, ce qui permettrait de cartographier les régions éventuelles de réception. La carte ainsi produite serait largement diffusée au public avant que l'on invite les collectivités à manifester leur intérêt pour l'accueil d'une installation sur leur territoire. Plus tard dans le déroulement du processus, on affinerait les critères en fonction de lieux en particulier.

6.3.1.4 Appel de déclarations d'intérêt

L'AGDCN inviterait officiellement les collectivités des régions possibles d'implantation à manifester leur intérêt pour accueillir une installation. Elle diffuserait un dossier d'information où figureraient au moins les indications suivantes :

  • renseignements généraux indiquant comment et pourquoi le choix du concept de gestion des déchets a été fait;
  • critères de sélection de site et carte des régions et des territoires possibles d'implantation;
  • déclaration de l'intention de l'AGDCN de se conformer aux considérations, principes et précautions essentiels exposés plus haut dans cette section et qui devraient tous être indiqués dans le dossier d'information;
  • description du type d'installation envisagé, ainsi que des coûts et de la durée prévus des étapes de construction, d'exploitation et de déclassement;
  • plans de l'AGDCN en vue de désigner une équipe de sélection de site (ESS) pour être son mandataire dans les négociations détaillées à engager avec les collectivités intéressées;
  • mandat et plan de travail de l'ESS pour la démarche de sélection d'un site;
  • annonce que l'AGDCN tiendra des séances régionales d'information à l'intention des collectivités concernées au cours desquelles des éclaircissements seraient fournis.
6.3.1.5 Définition d'une collectivité

Après ces séances d'information, les collectivités intéressées devraient étudier le dossier d'information pour clarifier leurs préoccupations et bien comprendre les possibilités de participation communautaire au processus de sélection d'un site. On peut utilement se demander : «Qu'est-ce qu'une collectivité? En réponse, le maire de Deep River a dit pour sa part : «Je recommande vivement de résoudre dès le début cette question dans toute future application du processus coopératif de sélection d'un site.» [John Murphy, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 2 mai 1996, p. 16.] Une collectivité d'accueil éventuelle peut être une municipalité, une région ou une collectivité autochtone. Parfois, cette entité pourra déborder les délimitations politiques actuelles et être définie par des critères d'ordre écologique, sociologique ou économique. Il doit toutefois s'agir d'une ou de plusieurs entités ayant qualité juridique pour conclure des ententes. Les limites du territoire d'une telle collectivité peuvent chevaucher plusieurs secteurs de compétence et leurs définitions devraient être fixées le plus tôt possible conjointement avec les territoires limitrophes et les «collectivités touchées». Un groupe autochtone a proposé une définition unique de la collectivité.

Le problème relatif au principe du volontariat aux yeux des autochtones, c'est que la définition de collectivité semble liée aux territoires municipaux. La nation Nishnawbe Aski regroupe 50 premières nations ayant des droits communs sur un territoire traditionnel collectif. Comme nous l'avons déjà dit, il s'agit là d'un vaste territoire qui coïncide avec la majeure partie de la masse terrestre ontarienne. Implanter un dépôt de déchets de combustible nucléaire en tout point de ce territoire, c'est toucher toute la nation Nishnawbe Aski. On devrait à tout le moins étendre le principe de volontariat communautaire à l'échelon du conseil tribal où se concertent les collectivités des premières nations pour l'occupation et l'aménagement de leurs terres.

Nation Nishnawbe Aski [Nishnawbe Aski Nation, Review of the AECL Environmental Impact Statement on the Nuclear Fuel Waste Management and Disposal Concept, Pub.028, août 1995, p. 4.]

Par «collectivité touchée», il faut entendre une municipalité ou une collectivité autochtone simple ou multiple vivant le long des itinéraires de transport ou qui, par le lieu qu'elle occupe, est touchée par l'installation ou ses activités de transport. On devrait délimiter les «collectivités touchées» en appliquant plusieurs critères qui ne seront pas uniquement politiques. Bien que ces collectivités ne jouissent pas d'un droit de veto, elles peuvent et doivent négocier leurs propres conditions avec l'ESS et la collectivité d'accueil éventuelle dans le cadre de la sélection d'un site.

Si l'on trouve un lieu d'implantation qui peut convenir en territoire domanial, les autorités compétentes doivent consulter la population des collectivités susceptibles d'être touchées en utilisant les mêmes méthodes que celles qui seraient utilisées pour les collectivités ayant autorité sur le territoire en question.

Une fois que la question de la définition de collectivité a été négociée et résolue, le conseil municipal ou l'organisme équivalent d'une collectivité d'accueil éventuelle peut décider officiellement par résolution de continuer à participer au processus de sélection du site. Dans ce cas, l'AGDCN devrait remettre à la collectivité en question un dossier d'information plus étoffé où sera décrit en détail ce processus selon les indications livrées dans ce chapitre et à l'annexe O.

6.3.1.6 Premières étapes devant aboutir à la conclusion d'une entente avec une collectivité en vue de l'accueil d'une installation

Il est fort important que le Conseil arrête vraiment d'avance les priorités de la collectivité.

John Murphy, maire de la municipalité de Deep River [John Murphy, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 2 mai 1996, p. 20-21.]

  • Un ou plusieurs spécialistes des sciences sociales désignés par le conseil municipal établiraient un profil communautaire en consultation avec l'ESS.
  • Un facilitateur communautaire de l'extérieur de la collectivité serait également nommé par le conseil municipal encore en consultation avec l'ESS, et cette nomination serait confirmée par la suite par le GLC.
  • D'après le profil communautaire et sur les conseils spécialisés du facilitateur, on constituerait un GLC en vue d'assurer une forte participation des citoyens à tous les stades de la prise de décisions. Le GLC jouerait un rôle de conseiller auprès du conseil municipal et communiquerait avec l'ESS et les personnes des divers secteurs de la collectivité d'accueil éventuelle et des collectivités touchées. Le facilitateur établirait le mandat du GLC et aiderait à constituer le groupe. Les membres du GLC devraient être représentatifs des divers secteurs de la collectivité et recevoir des mandats limités et échelonnés.

À notre avis, un groupe de liaison... un groupe de consultation, un organisme de liaison directe avec la collectivité qui s'intègre à cette dernière, sont essentiels à un processus de sélection de site qui vise à une libre adhésion au choix qui sera fait.

Donna Oates, Insight and Solutions [Donna Oates, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 2 mai 1996, p. 66.]

  • Toutes les parties devraient pleinement recourir au facilitateur communautaire et au GLC pour explorer les voies possibles d'une entente.
  • Si l'intérêt manifesté pour l'accueil d'une installation demeure important, le conseil municipal solliciterait de la collectivité un accord préliminaire en vue de continuer le processus et d'engager des négociations détaillées avec l'ESS.

On trouvera plus de détails à ce sujet à l'annexe O.

6.3.1.7 Négociations détaillées

En collaboration étroite avec le GLC et les collectivités touchées s'il y a lieu, l'ESS et le conseil municipal se chargeraient :

  • d'affiner les critères généraux déjà convenus de sélection d'un site et d'établir d'autres critères de sélection particuliers à la collectivité;
  • de trouver des sites candidats possibles et des options pour leur conception;
  • de négocier des mesures d'atténuation des effets négatifs et d'optimisation des avantages sur le plan de l'emploi, du perfectionnement des compétences de la population locale et du recours à des fournisseurs locaux;
  • de discuter et de convenir de mesures de surveillance pour toutes les étapes de la réalisation du projet;
  • de négocier et de s'entendre sur toutes les questions liées d'intérêt pour la collectivité (itinéraires de transport).

On trouvera plus de détails à ce sujet à l'annexe O.

6.3.1.8 Point de contrôle de la collectivité

La collectivité d'accueil éventuelle solliciterait des évaluations indépendantes par les pairs des aspects techniques, sociaux et écologiques de la conception d'une installation et du système de transport avant de prendre une décision finale. Une fois ces évaluations terminées, un examen et un débat communautaires approfondis devraient avoir lieu avec tous les intéressés. La collectivité peut vouloir évaluer si l'AGDCN a respecté les «considérations essentielles» et les «principes et précautions» énoncés dans le présent rapport. Des modifications éventuelles à toute entente antérieure seraient alors négociées. Au terme de cet exercice, une entente de principe serait négociée par la collectivité d'accueil éventuelle et l'AGDCN. Les pourparlers porteraient sur tous les points énumérés à la section 6.3.1.7.

... une fois que votre plan technique est clairement compris de la collectivité, les citoyens pourraient continuer de penser qu'on n'a pas tenu compte de leurs intérêts. Vous pourriez alors avoir à modifier ce plan technique pour permettre à la collectivité d'en suivre l'évolution, pour lui donner le temps de comprendre les points fondamentaux des études rendues publiques ou permettre des consultations suffisantes à certaines étapes...

Donna Oates, Insight and Solutions [Donna Oates, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearing Transcripts, 2 mai 1996, p. 68.]

6.3.1.9 Étapes devant aboutir à la sélection définitive d'un site pour l'installation
  • L'entente de principe serait d'abord soumise à l'approbation de l'AGDCN.
  • L'entente de principe serait ensuite présentée à la collectivité d'accueil éventuelle suivant la méthode convenue de ratification ou de refus.
  • Si la collectivité approuve l'entente de principe, le conseil municipal ou son équivalent conclurait une entente officielle irrévocable avec l'AGDCN au sujet des modalités de poursuite des travaux d'élaboration.
  • L'AGDCN entreprendrait alors des travaux d'exploration en profondeur du ou des sites en vue d'établir si une conception d'installation satisfait à toutes les exigences de l'organisme de réglementation relativement à la sûreté et à la protection de la santé et de l'environnement. S'il est impossible de respecter les exigences réglementaires, la collectivité d'accueil éventuelle ne serait plus liée par l'entente.
  • Si l'on n'avait pas déjà établi d'itinéraires de transport, l'ESS choisirait alors des voies et des moyens de transport préférentiels. On négocierait des mesures d'atténuation en consultation avec les collectivités touchées vivant le long des itinéraires en question.
Recommandation de la Commission

Les gouvernements devraient ordonner à l'AGDCN de s'engager, dans la mesure souhaitée par la collectivité d'accueil éventuelle et les collectivités touchées, dans le processus proposé dans cette section.

6.3.2 Tenue d'audiences publiques en vue de juger si le projet est acceptable

On devrait prévoir une évaluation environnementale complète et des audiences publiques comme dernière mesure de l'étape III pour obtenir un vaste appui du public en vue de l'aménagement de l'installation proposée au site choisi. On pourra encore rejeter un site candidat par suite de ces audiences. Si le projet est accepté, il sera réalisé. Sinon, les gouvernements et l'AGDCN devront réévaluer leur plan en tenant compte des circonstances du refus.