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Rapport de la commission d'examen

Annexe J - Comparison avec la gestion d'autres déchet

La Commission fera aussi l'examen des critères généraux de gestion des déchets de combustible nucléaire par rapport à ceux des déchets provenant d'autres sources énergétiques et industrielles. De plus, la Commission devra examiner les répercussions du recyclage ou d'autres procédés sur le volume des déchets.

Mandat

Déchets comparables

Les déchets de combustible nucléaire sont les déchets les plus concentrés qui soient issus de la production d'électricité d'origine nucléaire, mais il y en a d'autres, notamment les déchets solides de l'exploitation et du déclassement de réacteurs, les émissions gazeuses et les effluents liquides. Les déchets de combustible nucléaire se distinguent par leur teneur en uranium et en plutonium pouvant un jour présenter un intérêt économique. Les déchets les plus analogues d'autres sources d'énergie, bien qu'on puisse s'interroger sur leur éventuelle valeur économique, pourraient être les cendres et les résidus des centrales thermiques au charbon. Ces déchets solides dangereux contiennent des métaux lourds, dont certains sont radioactifs. Il faut cependant dire que la combustion du charbon et d'autres combustibles fossiles dégage aussi dans l'atmosphère une abondance de substances dangereuses pour l'environnement. Il sera question des déchets comparables d'autres sources industrielles sous les rubriques générales des déchets dangereux et des contaminants chimiques.

Caractéristiques

Nous décrivons les caractéristiques des déchets de combustible nucléaire à la section 2.1.5 de ce rapport. Certains constituants des déchets de combustible nucléaire et des déchets dangereux, notamment les métaux lourds, conservent essentiellement leur toxicité à jamais. Certains sont cancérogènes. La radioactivité, qui à certains niveaux produit un effet cancérogène et mutagène, décroît avec le temps. Les périodes d'activité sont courtes pour certains radionucléides et fort longues pour d'autres. Les émissions gazeuses de la combustion de combustibles fossiles sont en partie à l'origine du réchauffement planétaire et des précipitations acides préjudiciables à l'environnement et au biote.

Avec les quantités actuelles, les déchets non nucléaires pourraient représenter une menace encore plus grande pour la santé humaine et l'environnement que les déchets nucléaires, mais il est impossible de dire en toute certitude lesquels constituent un danger supérieur. Cette question mise à part, le laps de temps considérable pendant lequel certains éléments des déchets nucléaires restent dangereux, tout comme les perceptions et les appréhensions du public au sujet des questions nucléaires, exigent qu'on gère les déchets de combustible nucléaire avec au moins autant de rigueur qu'on ne le fait dans le cas des autres déchets dangereux. En vérité, le «facteur de peur» associé à l'énergie nucléaire nous commande sans doute d'adopter des normes plus strictes si l'on entend apaiser les inquiétudes du public.

Réglementation

Le gouvernement fédéral réglemente les déchets radioactifs, y compris les résidus miniers d'uranium et les déchets de combustible nucléaire. Pour ces déchets, les exigences actuelles de la Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA) n'équivalent pas tout à fait aux normes de gestion d'autres déchets dangereux, et ce, en partie pour des raisons historiques : la CCEA a longtemps été seule responsable des questions nucléaires, alors que de multiples autorités fédérales, provinciales et même municipales assument conjointement la responsabilité de la réglementation des autres déchets. Le plus souvent, les règlements provinciaux égalent ou dépassent en rigueur les règlements et les lignes directrices adoptés au niveau fédéral. Les gouvernements fédéral et provinciaux harmonisent leurs dispositions réglementaires par l'intermédiaire d'organismes comme le Conseil canadien des ministres de l'environnement (CCME), qui élabore des directives de gestion des déchets dangereux et autres qui se trouvent à la base des règlements et des pratiques des provinces. À l'échelon local, les municipalités fixent les valeurs limites admissibles de rejet de déchets dangereux à l'égout séparatif. Même avec un certain degré de coordination, ces partages des responsabilités ont créé encore plus d'inégalité dans les façons d'aborder la gestion des déchets.

Critères actuels

On peut trouver les principaux critères fédéraux de gestion des déchets de combustible nucléaire et, parfois même, d'autres déchets radioactifs dans les textes de réglementation (R-71, R-72, R-90 et R-104) rendus publics par la CCEA. Les critères correspondants pour les déchets dangereux figurent dans les lignes directrices du CCME, et notamment dans les Lignes directrices nationales sur l'enfouissement des déchets dangereux (1991), dans la Politique de gestion des substances toxiques (1995) d'Environnement Canada et les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canadade Santé Canada. On peut aussi se reporter aux observations faites par des hauts fonctionnaires et d'autres participants à l'examen. On ne nous a pas renseignés sur les critères relatifs aux émissions de la combustion de combustibles fossiles, mais nous connaissons l'existence de divers règlements et objectifs de réduction. Quels que soient les règlements, les politiques ou les lignes directrices que l'on consulte, tous les critères appliqués n'y figurent pas expressément. Certains sont impliqués par l'acceptation d'un mode général de gestion des déchets et des quantités de déchets que l'on peut produire et gérer de cette façon.

Il y a à la fois des similitudes et des différences dans les critères qui s'appliquent à diverses catégories de déchets. Nous avons relevé quelques-unes des plus intéressantes sans tenter d'en faire une analyse exhaustive.

Modes généraux de gestion

Si tous les déchets de combustible nucléaire au Canada sont actuellement stockés de façon provisoire là où ils sont produits, le mode de gestion à long terme que privilégient les organismes de réglementation est le stockage en formations géologiques profondes [Commission de contrôle de l'énergie atomique, Déclaration de principe en matière de réglementation. Objectifs, exigences et lignes directrices réglementaires à long terme pour l'évacuation des déchets radioactifs, texte de réglementation R-104, 5 juin 1987, p. 2; Guide de réglementation. Considérations géologiques pour le choix d'un site de dépôt souterrain de déchets hautement radioactifs, Commission de contrôle de l'énergie atomique, texte de réglementation R - 72, 21 septembre 1987), p. 6.]. C'est ce que l'on appelle un mode de «confinement et isolement». Comme les lieux de stockage provisoire ne se prêtent pas nécessairement à un tel stockage permanent, la gestion des déchets nous commande sans doute de les transporter en un autre lieu.

Dans le cas des déchets dangereux, ce que l'on préfère de plus en plus, c'est la hiérarchie des 4R de gestion (réduction, réutilisation, recyclage et récupération), suivie d'un stockage permanent en dernier recours seulement. Ce mode privilégié contraste avec les pratiques passées et bien des pratiques actuelles en matière de gestion des déchets, mais les coûts du stockage permanent, la difficulté de trouver des lieux acceptables d'enfouissement ou de traitement et les perceptions du public déterminent une tendance à une réduction des déchets. Le gouvernement fédéral s'est engagé à diminuer de moitié (par rapport à une mesure de référence pour 1988) d'ici l'an 2000 la quantité totale de déchets dangereux produits au Canada [G.M. Cornwall, Paper presented at the Federal Environmental Assessment Panel for Nuclear Fuel Waste Management and Disposal Concept Review 11 March 1996 on Department of Environment Criteria for Hazardous Waste Management, Hull, Environnement Canada, Service de la protection de l'environnement, Direction des déchets dangereux, PHGov.005, p. 4.]. Dans notre pays, on enfouit (mode «confinement et isolement») ou rejette à l'égout municipal (mode «dilution et dispersion») 60 % de ces déchets et on traite les 40 % qui restent par incinération ou encore par des moyens physico-chimio-biologiques [Gouvernement du Canada, Canada's Green Plan, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1990), p. 57.]. Quels que soient les moyens employés, on se trouve à traiter environ 60 % des déchets là où ils sont produits et à envoyer le reste ailleurs [G.M. Cornwall, Paper presented at the Federal Environmental Assessment Panel, p. 4.].

On établit et gère les substances toxiques prioritaires selon la Politique de gestion des substances toxiques du gouvernement fédéral. On doit éliminer de l'environnement par interdiction ou élimination progressive les substances à la fois toxiques, persistantes et bioaccumulables qui sont surtout issues de l'activité humaine. On doit gérer d'autres substances toxiques ou «préoccupantes» selon leur cycle de vie en vue d'empêcher ou de réduire au minimum leur rejet dans l'environnement.

On s'efforce de réduire les émissions de la combustion de combustibles fossiles, mais avec des résultats inégaux. On laisse introduire dans l'environnement des quantités étonnamment importantes par le mode «dilution et dispersion».

Nombreux ont été les participants qui, aux audiences, ont insisté sur la nécessité d'appliquer le principe des 4R au domaine nucléaire. Ils jugeaient également essentiel de commencer par diminuer la production nucléaire d'électricité pour freiner, voire stopper la création de déchets de combustible nucléaire, ce qui obligerait soit à abaisser largement la consommation générale d'électricité, soit à choisir d'autres sources de production. Il serait nécessaire d'analyser soigneusement la faisabilité et les effets sur l'environnement et la santé de ce recours aux énergies parallèles pour voir s'il y a un avantage net à en tirer. Dans une communication à la Commission, on disait que, même dans des conditions d'exploitation optimale d'énergies renouvelables comme l'énergie solaire ou éolienne, il faudrait encore compter sur les énergies classiques [Association nucléaire canadienne, Canadian Nuclear Association Presentation to the Federal Panel on Geologic Disposal of Canada's Used Nuclear Fuel, Association nucléaire canadienne, PH3Pub.218, 27 mars 1997, p. 9-10.]. D'autres intervenants pensaient que, si l'on devait opérer une telle conversion, notre pays devrait délaisser, par souci de sauvegarde tant de la santé que de l'environnement, les centrales thermiques au charbon plutôt que les centrales nucléaires.

Pour en revenir aux 4R, la réutilisation paraît peu pratique pour l'instant, puisque le combustible usé ne peut en l'état être réaffecté à d'autres usages. Quant au recyclage et à la récupération, on peut les pratiquer, du moins en partie, par un retraitement et un recyclage des déchets (comme on le dit à l'annexe L). Mais là aussi, les conséquences seraient nombreuses. Par exemple, il faudrait toujours évacuer les déchets hautement radioactifs et autres et le combustible à mélange d'oxydes MOX devrait être traité et brûlé en vue d'une utilisation complète des produits extraits. À l'heure actuelle, il n'existe malheureusement aucune méthode éprouvée de réduction des déchets nucléaires (en quantité ou en toxicité) qui équivaille aux méthodes de traitement d'autres déchets dangereux. La recherche sur la transmutation pourrait mener à des résultats comparables, mais il est impossible de prédire si une percée en la matière nous procurera jamais une nette solution de rechange au stockage provisoire ou permanent.

Quantités de déchets

Il est difficile de prévoir quelles seront les quantités de déchets nucléaires à traiter à l'avenir, car cet ordre de grandeur dépend des décisions stratégiques futures (politiques) concernant la production nucléaire d'électricité et peut-être l'importation de déchets de combustible nucléaire. On retire actuellement de tels déchets à raison de 85 000 grappes (2 040 tonnes métriques) environ par an. À supposer que les réacteurs nucléaires en place fonctionneront pendant 40 ans et qu'on n'en construira pas de nouveaux, on devrait dénombrer en l'an 2033 dans notre pays quelque 3,6 millions de grappes ou 86 000 tonnes de combustible usé. L'installation de déchets de l'étude de cas de référence d'Énergie atomique du Canada limitée (EACL) est conçue pour recevoir 10 millions de grappes ou 240 000 tonnes de combustible usé, soit la quantité qui existerait en l'an 2035 si l'activité électronucléaire devait augmenter de 3 % par an ou celle qui existerait en l'an 2073 si l'on conservait la capacité électronucléaire actuelle.

Les déchets dangereux dépassent largement en quantité les déchets nucléaires. Ainsi, un centre d'enfouissement de déchets dangereux de la région de Sarnia contiendra 7,5 millions de tonnes à pleine capacité. Cette capacité est plus de 30 fois supérieure à celle de l'installation de déchets de combustible nucléaire de l'étude de référence d'EACL, et ce n'est là qu'un des trois grands centres de gestion de déchets dangereux qui existent actuellement au Canada [Hans Tammemagi, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearings Transcripts, 20 juin 1996, p. 37.]. On estime à 5,9 millions de tonnes la quantité totale de déchets dangereux produits au Canada en 1991 [George Cornwall, dans Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel Public Hearings Transcripts, 11 mars 1996, p. 171.].

Nous avons comparé certains des déchets provenant de centrales nucléaires et thermiques. En 1994, l'énergie nucléaire et les combustibles fossiles ont donné des quantités équivalentes d'électricité, soit environ 19 % de la production canadienne dans les deux cas. L'électronucléaire a consommé 1 740 tonnes d'uranium [Association canadienne de l'électricité et Ressources naturelles Canada, Electric Power in Canada1994, p. 64.] et produit quelque 2 200 tonnes de combustible usé (si l'on suppose qu'il y a 19 kilogrammes d'uranium dans une grappe de combustible de 24 kilos), 917 000 tonnes de roches stériles, 91 700 tonnes de résidus, 26 600 mètres cubes de déchets faiblement radioactifs traités, et enfin des effluents (liquides) et des émissions (atmosphériques) [On a estimé les quantités de déchets d'après les valeurs figurant dans Comité permanent de l'énergie, des mines et des ressources, B. Sparrow, président, Nuclear Energy - Unmasking the Mystery, 1988, p. 115-116.]. Par ailleurs, le thermoélectrique a consommé environ 46 millions de tonnes de charbon et 5,6 millions de mètres cubes de pétrole et de gaz naturel. Il a produit approximativement 4,2 millions de tonnes de cendres contenant 3 780 tonnes de métaux lourds, dont certains étaient radioactifs, tout comme 21 100 tonnes de dégagements gazeux des cendres [On a estimé les compositions et les rendements en cendres d'après les valeurs figurant dans William R. Baarschers, On the Disposal of Nuclear Fuel Waste, PH3Pub.067, p. 3.], 95 millions de tonnes de gaz carbonique, 542 000 tonnes d'anhydride sulfureux, 168 000 tonnes d'émanations d'oxyde d'azote (NOx) [Association canadienne de l'électricité et Ressources naturelles Canada, Electric Power in Canada 1994, p. 63-64 et 66.] et d'autres déchets encore. Pour bien faire voir la situation générale, disons que, au total, l'ensemble des activités canadiennes dans le domaine de l'énergie cette année-là ont dégagé 475 millions de tonnes de gaz carbonique.

Valeurs limites d'exposition

Selon une étude récemment réalisée conjointement par les comités consultatifs de la CCEA et le groupe de travail de Santé Canada sur les méthodes d'évaluation des risques chimiques et radiologiques, la façon de fixer des valeurs limites d'exposition varie selon qu'il s'agit de contaminants chimiques ou radioactifs. Bien que n'ayant pas pu prendre connaissance du rapport définitif encore inachevé de cette étude, la Commission a pu consulter un résumé de la dixième ébauche du document [David Myers, Assessment and Management of Cancer Risks from Chemical and Radiological Hazards .]. D'abord, quand on parle de valeurs limites de radioexposition, il est normalement question de l'ensemble des radionucléides (dont le nombre total est connu), des sources industrielles et des voies d'exposition. Elles sont souvent comparées aux concentrations du fond naturel de rayonnement. Dans le cas des produits chimiques, les valeurs limites visent les toxines considérées individuellement (qui n'ont pas toutes été reconnues) et les sources à la fois naturelles et artificielles (agents chimiques de synthèse), mais sans tenir habituellement compte de toutes les voies d'exposition. Comme les produits chimiques ne sont pas tous dans la nature, on ne se reporte pas d'ordinaire aux concentrations du fond naturel de rayonnement au moment de fixer des valeurs limites [David Myers, Assessment and Management of Cancer Risks from Chemical and Radiological Hazards, p. 2 et 16-19.].

Les pratiques de gestion des risques tant pour les déchets de combustible nucléaire que pour les agents chimiques sont destinées à réduire les risques au minimum, mais dans le souci d'un équilibre entre les avantages d'une telle réduction et le coût et la faisabilité des moyens de réduction [David Myers, Assessment and Management of Cancer Risks from Chemical and Radiological Hazards, p. 17.]. C'est ce que l'on appelle le principe ALARAas low as reasonably achievable») selon lequel le degré d'exposition doit être le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre compte tenu des facteurs socioéconomiques. Toutefois, on nous a dit que les valeurs limites de radioexposition sont fixées de manière que, par l'application de ce principe, les expositions ne représentent qu'une modeste fraction des valeurs limites indiquées, alors que, dans le cas des produits chimiques, on arrête ces mêmes valeurs en faisant intervenir une certaine forme du principe ALARA [David Myers, Assessment and Management of Cancer Risks from Chemical and Radiological Hazards, p. 20, et J.A.L. Robertson, Some Additional Comments on Submissions to the Panel, p. 2.]. Une certaine incohérence subsiste donc quant au rôle précis que joue le principe ALARA dans le respect et le dépassement des valeurs limites réglementaires. Pour les déchets nucléaires comme pour les produits chimiques, on établit des niveaux de risque admissible plus bas pour la population que pour les travailleurs.

À cause des facteurs que nous venons d'évoquer et du morcellement des responsabilités en matière de réglementation, le degré de risque acceptable variera foncièrement dans les valeurs limites d'exposition des contaminants radioactifs par rapport aux contaminants chimiques, voire dans une même catégorie de contaminants. À en croire un groupe d'intérêt, les valeurs acceptables de risque à vie pour tous les cancers causés par des agents chimiques cancérogènes vont en général d'un maximum de 1 cas sur 10 000 à un minimum de 1 cas sur 100 millions, alors que, pour les cancers mortels uniquement causés par des cancérogènes radioactifs, l'intervalle de variation s'étend d'un maximum de 1 cas sur 50 (limite réglementaire actuelle pour la dose de radioexposition artificielle du public par les rayonnements des centrales nucléaires) à un minimum de 1 cas sur 2 000 (objectif actuel de la gestion ontarienne de l'eau potable pour le tritium) [Norman Rubin, Risk Methodology and Criteria for a Nuclear Waste Disposal Facility, Part 4 of Energy Probe's Submission to the Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel, Toronto, Borealis Energy Research Association, 1 er mars 1996, PHPub.041, p. 22.]. Ce groupe d'influence surenchérit en précisant que les façons de calculer les chiffres et d'appliquer les valeurs limites ajoutent encore aux écarts entre les normes strictes des produits chimiques et les normes laxistes des radionucléides.

Et pourtant, nous avons aussi reçu des renseignements contradictoires qui indiquent que les valeurs limites de consommation continue d'eau aux concentrations maximales admissibles que fixent les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada correspondent à des valeurs estimatives de risque individuel de cancer (à vie) de 1 cas sur 2 500 pour l'ensemble des radionucléides, contre 1 cas sur 1 000 pour l'ensemble des produits chimiques désignés [David Myers, Assessment and Management of Cancer Risks from Chemical and Radiological Hazards, tableau 4.]. Comme nous le verrons à la prochaine section, le risque acceptable établi pour une installation de stockage permanent de déchets de combustible nucléaire pendant les 10 000 ans qui suivront sa fermeture correspond à un risque à vie d'environ 1 cas de cancer mortel ou d'effets génétiques graves sur 14 286 (pour une longévité humaine de 70 ans).

Comparaison du stockage permanent et de l'enfouissement

Vu l'analogie entre le stockage permanent de déchets de combustible nucléaire et l'enfouissement de déchets dangereux, il est bon de regarder de plus près les critères qui s'appliquent dans l'un et l'autre cas. D'après les textes de réglementation de la CCEA, le stockage permanent devrait se faire en profondeur (R-72), réduite au minimum le fardeau à imposer aux générations futures, ne pas compter sur des contrôles institutionnels de longue durée comme mesure nécessaire de sûreté et maintenir le risque individuel annuel de la radioexposition à moins de 1 cas de cancer mortel ou d'effets génétiques graves sur un million pendant les 10 000 ans qui suivent la fermeture de l'installation de stockage permanent (R-104).

Contrairement au stockage en formations géologiques profondes, l'enfouissement a lieu en surface ou près de la surface. Comme dans le régime instauré en matière de stockage permanent, les Lignes directrices nationales sur l'enfouissement des déchets dangereuxdu CCME recommandent de recourir à une combinaison de barrières naturelles et artificielles pour atténuer le plus possible les effets néfastes sur l'environnement, de choisir les matériaux de ces barrières en tenant compte de leur compatibilité avec les caractéristiques du lieu d'enfouissement et des déchets, d'élaborer un modèle de transport des contaminants dans le cadre de l'évaluation des sites et de procéder à la fermeture de l'installation de manière à rendre inutiles autant que possible de futures mesures d'entretien [Conseil canadien des ministres de l'environnement, National Guidelines for the Landfilling of Hazardour Wastes, rapport CCME-WM/TRE-028E, avril 1991, p. xii-xv.]. Toutefois, ces mêmes lignes directrices exigent divers contrôles institutionnels en période de postfermeture : entretien, surveillance et exploitation d'un système de captage et d'extraction des lixiviats; observation de l'environnement; protection et entretien des repères géodésiques; contrôle de l'accès des lieux; tenue de registres de l'installation; constitution d'une réserve pour imprévus; enregistrement foncier de l'installation (actes ou titres) [Conseil canadien des ministres de l'environnement, National Guidelines, p. xiv-xvi.].

Un participant à l'examen a signalé que, en règle générale et contrairement à ce que prévoit le régime de gestion des déchets de combustible nucléaire, on n'a pas besoin, pour les déchets dangereux, d'évaluer les risques et d'analyser les voies de transport de contaminants, qu'on ne soumet pas à un examen rigoureux les effets à long terme en période de postfermeture et que les mesures d'aménagement et de réglementation portent sur les quelques décennies ou le siècle qui suivent la fermeture, alors que l'entretien demeurera à jamais une nécessité [Hans Y. Tammemagi, The Wrong Wastes are on Trial: A Presentation to the Nuclear Fuel Waste Environmental Assessment Panel, St. Catharines: Oakhill Environmental, PH2Tec.023, 20 juin 1996, p. 2, et Oakhill Environmental, Une comparaison de la façon dont les déchets nucléaires et non nucléaires sont gérés et éliminés, St. Catharines: Oakhill Environmental, octobre 1996), p. 15-16 et 33-34.]. On peut donc dire que, dans ses recommandations, le CCME insiste plus que la CCEA sur les contrôles immédiats de postfermeture et moins sur la sûreté à très long terme, ce dernier organisme écartant toute dépendance à l'égard de telles mesures de contrôle dans un souci d'assurer une sûreté passive de longue durée.

Ces deux orientations mènent à deux types de stockage permanent : d'abord, il y a une installation enfouie en profondeur qui ne demande ni entretien ni surveillance et d'où il serait difficile de retirer les déchets stockés; à l'opposé, il y a une installation logée en surface ou près de la surface qui demande entretien et surveillance et d'où il serait facile de retirer les déchets entreposés. La préférence accordée à l'une ou à l'autre se ramène au sens et à l'importance que l'on donne aux critères relatifs à nos obligations envers les générations futures (comme nous l'avons dit aux chapitres 4 et 5).

Une orientation commune pour les déchets nucléaires et les autres déchets dangereux?

Tant dans les audiences publiques que par des échanges dynamiques de communications écrites, les participants se sont demandé quels critères sont ou devraient être plus stricts et si un ensemble commun de critères devait s'appliquer à la fois aux déchets nucléaires et aux autres déchets dangereux. Certains ont fait valoir que les premiers sont déjà assujettis à des mesures de contrôle plus rigoureuses que la plupart des seconds, bien que n'étant pas plus dangereux (à certains égards, ils le sont moins, car leur toxicité s'atténue avec le temps). D'autres présentaient l'argument opposé et soutenaient que les déchets nucléaires font l'objet d'un contrôle bien moins strict que celui que subissent d'autres substances toxiques persistantes et qu'ils devraient être assujettis au même régime, et notamment à des mesures d'interdiction ou d'élimination progressive. Il est peu probable que l'on concilie aisément ces points de vue, en partie parce qu'ils émanent de visions fort différentes de l'avenir de l'énergie nucléaire au Canada.

Il serait néanmoins souhaitable de travailler à l'adoption de méthodes communes d'évaluation et de gestion des risques, ainsi que de critères de risque convenus et acceptés par le public de sorte que les risques relatifs soient appréciés en toute équité, qu'ils soient radiologiques ou non. Cependant, à ce stage, on n'a encore ni convenu ni rédigé de méthodes ou de critères communs.

Toutefois, la Commission a appris que la CCEA entend collaborer avec Environnement Canada et les provinces à l'établissement d'un mode de réglementation de la protection du milieu contre les sources industrielles de rayonnements qui concorde avec le régime s'appliquant à d'autres substances peut-être toxiques, ce qui comprendrait le contrôle des effets sur les espèces non humaines. C'est pourquoi les deux organismes fédéraux intéressés procèdent à une évaluation des risques écologiques des libérations de radionucléides d'installations nucléaires, y compris de centres de gestion de déchets, selon les dispositions de la Politique de gestion des substances toxiques. En cas de constat de «toxicité», ces organismes mettraient au point un éventail de mesures possibles de réglementation et autres en vue de leur réduction, qu'il s'agisse de les interdire ou de les éliminer progressivement - conformément à cette même politique [Patsy Thompson, Environnement Canada, Assessment of Radionuclides under the Canadian Environmental Protection Act, communication verbale au Symposium on Radiological Impacts from Nuclear Facilities on Non-human Species, Ottawa, Société nucléaire canadienne, 2 décembre 1996.]. L'étude récemment menée à bien conjointement par les comités consultatifs de la CCEA et le groupe de travail sur les méthodes d'évaluation des risques chimiques et radiologiques de Santé Canada pourrait également faire naître des convergences dans ce domaine.

Leçons apprises

De notre examen des critères généraux de gestion des déchets d'autres sources énergétiques ou industrielles, on ne peut dégager d'analogues explicites pouvant nous aider à formuler nos avis. Nous nous sommes donc intéressés davantage aux caractéristiques des déchets de combustible nucléaire et aux perceptions du public de ces caractéristiques. Toutefois, au cours des audiences, nous avons acquis de fort précieuses données sur la gestion générale des déchets faiblement radioactifs et des déchets dangereux, ainsi que sur les pratiques de stockage provisoire des déchets de combustible nucléaire. Au moment de se doter d'une politique et de méthodes de gestion des déchets nucléaires, on devrait regarder de près un certain nombre d'enseignements tirés de cette expérience et les méthodes adoptées pour une bonne gestion : sûreté du stockage provisoire sur le site et du transport, collaboration fédérale-provinciale, sélection du site d'une installation, mesures de postfermeture, aspects sociétaux et participation du public. Cette information s'est révélée d'une grande valeur dans l'établissement des conclusions et des recommandations présentées ailleurs dans ce rapport.